Ecriture et positionnement néo-réaliste
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 Sur tous les fronts II

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omega-17
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MessageSujet: Sur tous les fronts II   Sur tous les fronts II EmptyJeu 8 Mar - 0:20

Règle n° 2 : Savoir anticiper


Philippe Fabry, Président de la VIème République Française
Cinquante-six ans, marié, trois enfants
Paris, 4 Août 2029
15h45


C’est fait. Un des tours les plus audacieux jamais réalisés par un dirigeant national vient d’être validé. Je n’ai mis aucun politique au courant, l’initiative est bien trop osée pour que je puisse accorder ma confiance à quiconque, moins encore à ceux de mon parti. Ce coup de communication novateur porte un nom tout aussi épique : Cassandre. Je ne rentrerai pas dans les livres d’histoire pour autant, du moins pas avant une époque incertaine qui ne sera plus de mon ressort. En tout cas suis-je amené à l’espérer.
Le quatre Mai. Il y a plus de deux ans. La gloire. Cinquante-trois pour cent face à Médard. Les pronostics allaient bon train, l’issue était assez imprévisible. Comme souvent, nous avons dû aller chercher les derniers bulletins nous-mêmes ; jusqu’à embaucher dans l’heure les étudiants de faculté à leur domicile, dans les cités-dortoirs, pour sonner aux portes de la capitale tant les voix nous manquaient. Une vingtaine de plaintes pour harcèlement immédiatement étouffées et trois points pour faire la différence. En face, ils ne s’en sont pas relevés alors qu’ils étaient en tête dans toutes les prévisions, croyant avoir la majorité des classes moyennes derrière eux. Les prévisions, nous les avions achetées quand cela était possible afin de mettre un coup d’arrêt aux efforts de l’opposition en fin de campagne et les classes moyennes… chacun sait combien elles sont volages. Une stratégie peu reluisante mais efficace. Rien en comparaison de ce que je m’apprête à faire. Ce sera ma dernière pénétration dans le domaine de la manipulation à grande échelle. La dernière et la plus insensée. Justement.
Devant le peu de fiabilité des sondages de toute manière peu encourageants, l’inconsistance de l’électorat global et les taux d’abstention records enregistrés depuis plusieurs suffrages, aucun des analystes politiques qui s’agitent sous ma baguette comme des termites affolés n’a été suffisamment perspicace pour me présenter un rapport compétent de la situation et des mouvements actuels. Ils s’envasent les uns après les autres dans leurs justifications ampoulées tant ils craignent pour leur juteux virement mensuel.
Je me suis donc entouré de quelques observateurs indépendants versant dans l’indifférence du pouvoir par incapacité à y aspirer sérieusement et n’ayant aucun contact notable qui aurait pu faire part de mon projet aux personnes les plus aptes à le retourner contre moi. Mon expérience à la tête du pays et plus sûrement ma fréquentation prolongée des milieux dits autorisés m’a démontré avec une régularité finalement peu étonnante que la subtilité est souvent plus concluante en matière de persuasion lorsqu’elle se camoufle derrière un évènement grossier distillateur de rumeurs toujours méprisées par leur manque cruel de bon sens. En l’occurrence, un attentat envers ma personne, malgré sa nature, son historique classique et la suspicion prévisible qu’il génèrerait, aurait tout à fait pu me propulser en tant que candidat ressenti comme le plus capable et bien évidemment le plus dérangeant des prochaines élections. Les enjeux de cette présidence tant pour cette nation que pour moi-même ne sauraient s’en contenter et j’ai donc opté pour une alternative encore d’actualité mais dotée d’une variante encore peu développée : le terrorisme civil intra-territorial.
J’arrive à la moitié de mon mandat, c’est un repère trop tardif pour s’adonner à l’anticipation, presque rédhibitoire à ce niveau mais le projet Cassandre détient la solution au temps qu’il me manque déjà. Je sais qu’il m’offre l’option que mes adversaires ne pourront atteindre, une option qui verra le plus sérieux d’entre eux évincé de toute ambition politique à vie et mon parcours s’allonger d’un quinquennat.


Chloé Seminian, lycéenne
Dix-huit ans, célibataire, sans enfants
Shanghai, 1er Septembre 2029
19h32

Deux semaines ici ou ailleurs et on ne reviendrait plus en France, si l’on s’écoutait. Tout paraît plus harmonieux, moins indifférent et paradoxalement très calme malgré l’agitation démentielle qui règne dans le pays le plus peuplé et en passe de devenir le plus capitaliste du monde devant les anciennement intouchables Etats-Unis. Cette impression a tout de celle de la touriste béate standard et je n’en suis pas une. Rien n’est standard quand on est fille de ministre, tout est hors catégorie. Moi plus qu’autre chose.
Comme tout homme de pouvoir assez clairvoyant pour en être avide, mon père méprise les gens avec un naturel hors du commun. C’est là notre seul point commun, j’en ai bien peur. Il trompe sans doute ma mère, cette pauvre chose qui s’étonne encore de la hausse des prix des fruits et légumes frais, et personne d’intelligent ne peut lui jeter la pierre. N’importe qui en ferait autant, confronté à l’ersatz de femme avec qui il ne partage plus que les feuilles d’imposition à cinq chiffres. Mes reproches sont bien moins superficiels et largement recentrés sur mes jeunes et naïves attentes d’antan. Il n’a jamais su m’apporter quoi que se soit de valable si ce n’est le goût de l’argent, avec un homme attaché à de telles fonctions, à quoi aurais-je dû m’attendre… Il croit ses principes humains fondamentaux alors qu’ils sont éculés comme ces pagodes moisies semblant avoir été rafraîchies au V33 de chez Delux Valentine qui s’imposent au milieu d’une forêt de nénuphars en décomposition et au milieu desquelles on trouve à coup sûr au moins un couple de sales jaunes décérébrés, souriant largement comme des abrutis inconscients de la vie, des choses, des gens et de leurs motivations. J’aurais bien des choses à annoter en bas de page si l’on me laissait intervenir sur les guides touristiques pour factices routards à tendance crétino-philanthro-démagogiques. Malgré le niveau de vie qu’elle m’offre et que je revendique ouvertement, je ne peux considérer la tâche qui est sienne autrement qu’en la juxtaposant à celle d’un planteur d’ananas dans les plaines de Normandie, fier et assuré de la grandeur de son geste.
Ma sœur est une brave fille qui ressemble trait pour trait à sa génitrice, je sens que mon père le déplore alors qu’avec le temps, je n’y trouve plus à présent qu’une source intarissable d’ironie et comparaison gratifiante, quoique trop aisée et nullement périlleux.
Je me revois dans ce studio modeste proche de la rue des Archives, les jambes écartées face à lui. Je sais qu’il pense à l’influence internationale de mon père quand il me baise. Je ne lui en veux pas, il a raison. Les hommes aiment le pouvoir et j’aime le pouvoir que j’aie sur eux. Par mon statut, par mes moyens, par mon corps. Comme beaucoup de femmes mais à un degré largement supérieur, c’est une vocation intérieure. Le milieu dans lequel j’ai grandi n’y est pas étranger, toutefois je crois qu’il y a quelque chose de plus intensément enfoui dans le sentiment perpétuel de posséder et de déposséder qui est le mien. Je crois à l’inné.
J’ai lu Nietzsche en Seconde, j’étais en accord total sur les réflexions des vingt premières pages. Je me suis arrêtée là. On reconnaît un homme qui développe une idéologie élitiste et profondément réaliste et qui le fera jusqu’au bout. Comme je reconnais la véritable passion et l’engagement sans bornes dans les yeux d’Antoine. Cette passion et cet engagement ne me seront pas destinés, je l’ai compris juste après que nos regards se soient croisés dans le bar attenant au lycée. Il voyait sans regarder, il entendait sans écouter, je crois qu’il s’est toujours levé sans vivre. Lui aussi ira jusqu’au bout de ses intimes convictions, le contraire serait impensable. Il faut savoir anticiper sur l’humain et je me débrouille plutôt bien. L’avenir me donnera raison ; lui à mes côtés, je sens dans l’air la possibilité non pas d’accéder à un phantasme lunaire d’affranchissement des codes normés mais celle d’une annihilation de la pensée démocratique et d’une concrétisation partielle de l’indépendance ouverte de l’idée de scission globale. Je me suis mise à parler comme lui, c’est vrai. Je l’ai remarqué depuis quelques temps. C’est un signe que tout ça tient la route.
Le jet décolle dans moins d’une demi-heure. Beijing, puis Paris via Riyad. Les cours recommencent dans quelques jours, je serai belle et prête à ce nouveau départ de la chasse qui n’en est une que pour les petites putes dans mon genre, à l’affût du mec talentueux qui aura autre chose que de la médiocrité rituelle à me proposer et qui saura me plaquer sur des matelas de gang-bang de cave, cynique et excité par ce que je représente.


Karl Marevik, barman / employé de discothèque
Vingt-six ans, célibataire, sans enfants
Bordeaux, 17 Juillet 2029
00h21

Ce soir, on a droit à « SHOES IN YOUR MOUTH », groupe rétro-punk avec un leader nain d’allure vraiment extraterrestre, très sûr de lui, complètement allumé. Je travaille au Poste à galène deux ou trois nuits par semaines, mon travail consiste à prendre les manteaux des tarés qui défilent ici (goths pleins artifices et d’effets peu spéciaux, flics en civil, défoncés et saoulards virés de la boîte d’à côté, types qui s’emmerdent, voire fans de punk saturnien), à donner un numéro et à encaisser deux euros en essayant de paraître le moins hostile possible. Très souvent, je n’y parviens pas. Au bar, c’est la même chose mais là-bas, tout le monde l’accepte, les habitués partagent mon enthousiasme existentiel. J’y suis presque en sécurité. Par rapport aux gens, s’entend.
Je repense encore à cette première rencontre alors que les premières notes de ‘JimFy Dwarf & Pills’, apparemment un titre phare du répertoire de ces chaussures galactiques, viennent de contorsionner les murs : ce type ressemblait à un spectre ennuyé quand il a débarqué au Friedland ; il a commandé deux Pastis et s’est mis à fouiller parmi les noix de pécan et les cacahuètes du comptoir pour y débusquer une solution au fâcheux dilemme qui semblait le préoccuper. Je sais anticiper le potentiel d’un individu à se dévoiler ou à se refermer sur lui-même tel un bulot crispé. Et il n’avait rien du crustacé. Il a engagé la conversation après deux coupelles d’apéro : il écrivait, il devait bientôt partir à Nantes, un travail incertain. Je connaissais le coin, j’y avais encore beaucoup d’antipathies, vestiges de quelques collaborations humaines aux buts divergents alors que je croyais toujours malgré tout à un quelconque espoir de supporter un jour une relation d’échanges répétés avec un individu de mon espèce. Il avait quelques contacts sur place, soi-disant, mais il hésitait. Rédigeant moi-même des scenarii d’héroic-fantasy dont il était friand, il abandonna petit à petit ses entreprises de fouilles dans la troisième coupelle de raisins secs pour s’investir plus sincèrement dans le dialogue. Après le cinquième verre, il est parti. Non sans avoir noté mon rôle logistique primordial au Poste à galène.
Une semaine plus tard, il s’est présenté à ma loge fin bourré pour me confier sa veste, un soir à peu près identique à celui-là. En compagnie de types discrets pour l’endroit. Une heure avant la fermeture, il est revenu prendre son bien et m’a tendu un billet de vingt en me criant étrangement à l’oreille : « Je n’aime pas partir sur un échec ». Même aujourd’hui, je ne vois pas tout à fait ce qu’il voulait sous-entendre. Je suis rentré chez moi sans réponses aux questions que je ne me posais plus. Je savais que les types de ce genre n’étaient à prendre qu’à moitié au sérieux et que c’était déjà se montrer plus que généreux.
Dix jours après, je prenais un revers magistral avec un e-mail d’une page et demi détaillant la proposition qu’il avait choisi de me faire. Et là, j’ai tout de suite compris que j’avais affaire à un sociopathe emphatique : un mythomane doué mais un mythomane. Quatre jours. Et j’ai répondu en demandant des détails supplémentaires. Et je les ai eus. Avec un chèque à quatre zéros. Je ne connaissais pas ce mec mais un train pour Nantes et un cran d’arrêt dans la poche droite, ça ne coûte pas grand-chose, finalement. Et j’avais déjà de quoi voir venir.
Ca passera. Ou pas. Ca prendra du temps. Ca peut coûter très cher. Ca peut rapporter énormément, à tout le monde et sous toutes formes de payement. L’essentiel, et je me le répète souvent depuis, c’est que je ne regrette rien et surtout pas de l’avoir rencontré, lui et sa proposition.
Antoine… un sacré type.
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