Ecriture et positionnement néo-réaliste
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 Sur tous les fronts I

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omega-17
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MessageSujet: Sur tous les fronts I   Sur tous les fronts I EmptyMer 7 Mar - 0:06

Règle n˚ 1 : On ne négocie jamais


Victor Seminian, Ministre de l’Intérieur
Quarante-neuf ans, marié, deux enfants
Paris, 11 Octobre 2029
09h47

Les dossiers s’entassent et rien ne semble pouvoir changer véritablement. Les couloirs sentent l’empressement, la fébrilité automatique, comme si tous ces gens se sentaient personnellement investis d’une quelconque mission en dehors de celle qui figure sur leurs contrats ; le système étatique est bien verrouillé, il a su responsabiliser ses agents, les faire siens. Le parquet grince à peine. L’atmosphère est pleine de cette odeur boisée enveloppante qui me rappelle les vieilles bâtisses étrangères au drame humain et à sa latence si particulière dans lesquelles j’ai vécu il y a des siècles de cela. Pourtant je n’y suis plus.
Mon bureau est un type quatre aux dorures et aux raffinements omniprésents, ma table de travail pourrait être de banquet, la vue offre le panorama monochrome et gigantesque des dissensions perpétuelles. De la mort et de la continuité aussi. Comme ce garçon qui tue depuis bientôt deux heures et qui voudrait presque traiter directement avec moi, négocier des otages contre des conneries dont il n’aura jamais l’occasion de se servir. Quel pauvre con.
Sylvie est entrée tendue, son tailleur impeccable, et m’a regardé sérieusement, presque froidement en posant devant moi la chemise contenant l’ensemble des éléments réunis par les renseignements généraux et les autres organismes que je finance discrètement.
Je la saute deux fois par semaine, j’ai trop peu de temps. Son travail l’étouffe c’est évident, mais elle y trouve une justification par l’engagement. Elle croit à l’organisation, à la planification, à la rigueur et aux choses bien faites, elle croit à ce que nous disons tous les jours. Elle ne sait pas grand-chose de moi, elle sait à peine plus que l’opinion publique. C'est-à-dire absolument rien mis à part que j’apprécie trousser sa jupe le mercredi soir, dans le taxi, après avoir fait semblant d’écouter ces crétins incompétents de l’autre côté de l’hémicycle. Je me libère, le samedi en général, pour remettre ça et supporter ma brève apparition dans la famille que j’aie formée autant par nécessité d’image que par stupidité.
Deux engeances tristes qui, à elles deux, peinent à former chez moi une estime supérieure à celle que je porte à leur mère. La première veut suivre mes traces, je comprends cette ambition autant qu’elle me lasse, elle ne sera pas destinée à un avenir plus intéressant que celui de Sylvie et cette perspective semble déjà l’enchanter. La plus jeune me méprise depuis longtemps, dans le silence et le dégoût. C’est de loin ma préférée.
L’aura qui est la mienne depuis ma nomination n’est entachée d’aucunes bavures notables, les services adéquats y ont veillé. Le président reste également attentif à mon bien-être, c’est un homme aussi intelligent que corrompu, comme tous les présidents significatifs qui l’ont précédé. Je lui ai offert sur un plateau sept des cinquante-trois pour cent qui lui permettent aujourd’hui de sodomiser des top-models allemands dans sa résidence officieuse de Palerme. Sans être son bras droit, mon statut direct d’homme de confiance est indiscutable et indiscuté.
Le dossier est complexe au sens où cela ne se règlera pas rapidement malgré les moyens quasiment illimités dont je dispose en matière de gestion de crise. D’après les documents que j’aie sous les yeux, je constate que ce gamin est décidé à pourrir ma journée déjà chargée en affaires pénibles, la suivante et probablement la nuit intermédiaire. Je referme le tout en soupirant. Dehors, le temps est horrible. Evidemment.


Antoine Dessel, sans emploi
Vingt-quatre ans, célibataire, sans enfants
Nantes, 11 Octobre 2029
10h50

Il pleut sans discontinuer depuis ce matin. Il était très tôt, à peine cinq heures, quand je suis sorti de l’appartement, mon sac de voyage en bandoulière et mes pensées bien lointaines. Je suis parti avec un jogging ample, un simple t-shirt et ma casquette des Boston Celtics, afin d’éviter à mon regard le fatiguant spectacle des journées qui débutent. L’air était frais, c’était parfait ; c’était comme cela devait être. Une femme a protesté lorsque je l’ai bousculée, sur le chemin qui menait à la sublimation grandiose de ce que je suis. Je n’ai pas répliqué, mon objectif résidait en un ailleurs qu’elle ne saisirait jamais. Le sac était ridiculement léger en considération du rôle que son contenu allait jouer mais je ne m’en suis aperçu qu’en le posant à terre, arrivé à destination. Et c’est ici que tout est en train de prendre forme, dans sa finalité. La gloire, la peur, les interactions vides de sens et moi, renaissant. J’en suis satisfait.
L’objet de toutes leurs angoisses est greffé dans ma main droite, je le pose doucement sur la table, mettant bien en évidence la distance très réduite qui le sépare de mes doigts moites, à chaque fois que j’allume une cigarette. Un neuf millimètres Echo, l’arme de service standard des flics un tant soit peu gradés depuis la mise au placard de l’obsolète Parabellum, subtilisé directement au domicile de l’un des leurs. Personne ne trouve les combinaisons de coffres par hasard mais tout le monde ne couche pas avec des filles de serruriers expérimentés et peu intègres.
Trois déjà. Je regarde celui que j’aie choisi, de façon aléatoire, pour effectuer un quatrième plongeon de la tour France 3 Centrale Ouest. Je sens bien qu’il n’arrive pas à admettre son futur proche, il ne sautera pas, lui non plus. Il a pourtant bien remarqué qu’il n’y avait aucun échappatoire ; les trois premiers corps étaient tout proches de lui au moment où ils ont franchi la fenêtre grande ouverte. Mais non, il veut encore croire que c’est possible. L’humain a toujours toutes ses volontés tendues vers un espoir innommable afin d’obtenir un sursis de vie glauque. Je comprends difficilement cela.
« Un toutes les heures », j’ai été clair au moment de signaler mes intentions aux autorités locales. Je n’ai rien précisé excepté le lieu précis et mon vague désir d’entamer des tractations avec un haut dirigeant. Pour l’instant, tout doit rester habituel. Je jette un coup d’œil rapide au mur-vidéo : la même scène repasse en boucle, c’était le second. Evidemment, comme je l’escomptais, les médias se sont emparés sans plus de manières de l’offrande que représentait l’évènement, les colonnes des journaux sont souvent remplies laborieusement alors que là, il n’y a qu’à laisser couler l’encre et à faire tourner les imprimeries.
Et pour le public, il y a une règle officiellement inviolable qui se doit d’être respectée par tous les gouvernements dignes de ce nom, crédibilité oblige : on ne négocie jamais. Terroristes et forcenés compétents de tout bord connaissent la règle par cœur. Il n’y aura aucun compromis, aucun pouce de terrain réellement concédé ; je suis en position de force très relative vue de l’extérieur mais il n’y a rien de plus inquiétant dans ce genre de situations qu’une absence de revendications. Quand je sentirai le vent tourner, je demanderai dix millions, pour la forme. Ils ne cèderont pas, malgré les morts, ou feront semblant dans un premier temps pour en gagner. Je conserve encore un atout capital car ils ne savent pas que je compte là-dessus. Leur impuissance à me satisfaire est complète, à l’image de la mienne.


Charly Estiennet et Maxime Leroff, tous deux RMIstes
Trente et trente-six ans, célibataire et marié, sans et trois enfants
Bordeaux, 11 Octobre 2029
12h08

" Ils vont arriver avec un hélico et ça va être sa fête, à cet enfoiré. Ils vont pas le louper.
- Ouais, faut être un malade pour balancer des gens comme ça.
- Deux femmes, Charly : il a flingué deux femmes dans le lot ! Moi, les types de ce genre, je les fais griller sur la chaise électrique. Ca mérite pas de vivre, des saloperies pareilles.
- Moi, je dis qu’ils vont envoyer le GIGN et il va se faire truffer de balles avant ce soir.
- Eh Coco, c’est fini, ça. Maintenant, c’est les Forces Spéciales de Résolution de Crises. Ces types-là, ils sont entraînés à tuer sept jours sur sept, c’est pire que l’armée. Il a aucune chance, je te le dis.
- De toute manière, lui, il veut crever. Si tu veux vivre, tu fais pas des trucs comme ça.
- Ah ouais, ben il a tout gagné, ils lui feront pas de cadeaux. Ca va être vite réglé… Sabrina ! Tu nous amènes deux pressions ? Merci… Ouais, tu vas voir, ils vont pas lui laisser le temps d’en faire valser beaucoup.
- T’as eu des nouvelles de Karl au fait ? C’est dingue comme les gars peuvent disparaître dès qu’ils doivent du fric. Il a qu’à venir me le dire en face qu’il est à sec, et puis on discute.
- Karl… Karl, c’est un bon gars mais je sais pas ce qu’il fout en ce moment ; il est dans son monde, lui aussi.
- Ouais, ben, il va falloir qu’il revienne dans le nôtre. Il a qu’à faire un aller-retour avec ma petite enveloppe.
- Il est loin son monde, à Karl. Pas sûr qu’il y ait des navettes, je te le dis. D’un côté, c’est un type drôle, sympathique quoi : tu peux parler avec lui, il est loin d’être con ; et de l’autre, il y a des jours où on dirait que toute sa famille a brûlé la veille dans un incendie. Karl, c‘est ça. Qu’est-ce que tu veux…
- Ouais. Putain, je vais lui en faire une de navette, moi… Tiens, regarde, ils ont fait venir les négociateurs.
- La négociation, elle va lui rentrer entre les deux yeux et l’affaire va être close. Tu crois que Seminian va se poser des questions ? Il a déjà donné l’ordre de l’abattre, qu’est-ce que tu crois… Y aura un discours de Fabry à vingt heures qui va venir te dire que la France a connu un drame et qu’il présente ses condoléances aux victimes. Et puis terminé. Ils vont pas se faire chier.
- Ca, c’est sûr.
- Il peut pas se rater sur ces coups-là, Fabry, il sait qu’il reste que deux ans avant les élections.
- Les élections… Trente-huit pour cent d’abstention, la dernière fois. Si on arrive à cinquante, il se passe quoi ?
- Faut les refaire, Coco.
- Eh ben putain, on a pas fini.
- Sabrina ! "


Frédéric Novak, membre des FSRC
Vingt-huit ans, fiancé, sans enfants
Nantes, 11 Octobre 2029
13h00

« La négociation n’existe que par la dissuasion, vous êtes là pour créer le doute et l’appréhension ; l’individu négociera, vous jamais », les instructeurs nous le répétaient en permanence. Ce sont des choses que l’on n’oublie pas. Je ne l’oublie jamais.
Même dans les bras de Chris quand je rentre pour quelques jours. Elle dit qu’elle comprend quand j’ai l’air absent ou agressif, je suis sûr du contraire mais lui parler de tout ça ne servirait à rien. Et je n’en ai pas le droit. On s’est rencontré en boîte, comme des cons. Moi, je ne buvais quasiment pas mais elle avait besoin d’oublier quelqu’un alors je l’ai laissée tenter de réduire sa peine, cette nuit-là. Elle a fait semblant de l’oublier avec moi puis un peu moins après. Ce n’est pas grave. Je sens bien qu’elle voudrait un enfant et qu’elle n’ose pas, sachant trop à quoi s’attendre. Si elle doit partir, elle partira. Ce n’est pas grave.
Trois ans bientôt que je vais de preneurs d’otages en détraqués et nous n’avons aucun échec à notre actif. « L’échec n’existe pas ; s’il existe c’est le vôtre, parce que vous êtes mort », chacun de nous le sait parfaitement. Ca non plus, ça ne s’oublie pas. L’ensemble des méthodes enseignées chez les FSRC viennent des camps militaires étrangers, là où aucune caméra n’ira. Le gouvernement a décidé de faire de nous la seule unité d’élite exclusivement destinée au combat urbain, à la récupération d’otages et à la neutralisation des terroristes sur le territoire. GIPN, GIGN, RAID et autres formations annexes faisaient bien leur travail mais ils étaient trop lents à se déployer et pas encore assez démonstratifs aux yeux des puissants. Alors nous voilà.
A neuf trente, l’alarme a retenti dans la caserne et d’après les premières infos, ça allait probablement être pour nous ; déjà deux morts et toutes les soixante minutes, un civil risquait d’être abattu. La police locale avait trop peu d’éléments, l’accès aux lieux était verrouillé, l’environnement à complet découvert, l’individu était selon les contacts locaux tout à fait lucide et une intrusion frontale de leur part mènerait à des pertes supplémentaires. En gros, ils ont jeté le dossier sur la table des FSRC. « Faîtes votre travail, c’est tout ce qu’on vous demande ». Dès qu’ils ont compris que ça allait devenir un peu trop sérieux, ils nous ont donné moins de deux heures pour être en place. On a décollé à onze zéro zéro et voilà presque une heure trente que la solution que tout le monde nous ordonne de trouver n’arrive pas. Une autre info vient de tomber : la sixième victime vient de s’écraser en bas de la tour. Les pompiers avaient bien positionné les bâches à hélium comprimé et les filets de récupération mais ils se sont retrouvés face à un cadavre, une balle logée dans le crâne.
Du haut de la tour, il a une vue panoramique et il n’est peut-être pas seul. Concernant les otages, on n’a aucune idée de leur nombre. Les flics qui se sont aventurés dans le couloir ont entendu plusieurs voix mise à part celle de la cible. On n’a rien de plus, son dossier est aux trois-quarts vide : « Antoine Dessel, vingt-quatre ans, pas d’enfants, pas d’antécédents judiciaires ou psychiatriques, inconnu des institutions depuis des années. Armé et décidé. A formulé une demande de négociation avec un dirigeant national. Pas de revendications, pas d’identification à un groupuscule connu. » Des agents sont allés interroger la famille : ils n’avaient plus de nouvelles, ils ne comprennent pas. C’est souvent le cas.
Il a passé deux appels à la police nantaise : l’un pour se manifester à huit zéro zéro, le second il y a moins de deux heures pour signifier que s’il observe le moindre positionnement de forces qui pourrait lui sembler hostile, c’est deux corps qu’il nous envoie. On a des hommes dans le bâtiment mais les conduits de ventilation ne nous sont d’aucun secours : pas au bon endroit, inutilisables ; les cloisons sont hors course aussi : trop épaisses, trop de bruit ; les tireurs isolés n’ont pas angle exploitable : trop haut, impossible ; il repèrerait un transport aérien à des kilomètres et les photos numériques infrarouges à très haute définition nous ont seulement montré la présence de plusieurs individus, tous vivants, au moins une dizaine.
Des experts du génie logistique viennent nous parler de sondes miniatures et de tirs de précision assistés par ordinateur, on ne veut pas de leurs gadgets. Il va falloir grimper là-haut et appliquer ce qu’on nous a appris. Ce sera peut-être à moi de l’abattre ou à l’un des autres gars. Quand on sera prêt, on saura quoi faire. Pour le moment, on attend.
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