Ecriture et positionnement néo-réaliste
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Le réalisme est l'arme absolue anti-rampante
 
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 In vivo veritas

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omega-17
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MessageSujet: In vivo veritas   In vivo veritas EmptyMer 21 Fév - 20:01

Je me suis endormi le téléphone à la main alors que j’étais en train de lui envoyer un message. C’est seulement le matin que je m’en suis aperçu : j’étais resté au milieu d’une phrase, juste après une virgule. Trop crevé, je n’étais pas parvenu à aller jusqu’au bout.

Je repense à ça en jetant la plaquette d’Artarax qui ne quitte jamais mon portefeuille : je n’en aurais plus besoin ; la dépression, c’est pour ceux qui n’ont plus d’objectifs. Une clope au soleil, ça marche tout aussi bien, finalement.
J’ai pris en seconde, les frais du prince sont revus à la baisse, les caisses de l’état font la gueule.
Cette bouteille d’Ice Tea dans la main, je me dis que je me ferai sûrement fouetter à mort par le gang des alcooliques belges en arrivant sur le quai : tant pis, il paraît que tout le monde se doit d’évoluer de temps en temps, alors je fais comme eux.
Bruxelles : Voie I, en queue de train, accueil à l’embarquement.
Ces deux notions m’interpellent. La première me fait penser à des scènes climatiques de haute température dans des chambres montoises. Elle me rappelle aussi la raison majeure de ce que je veux être un exil, pourquoi je vais fendre encore la France en deux dans un trajet qui sera un des derniers, le dernier pourquoi pas. En ce qui concerne la deuxième : comprenez filtrage. Je souris furtivement en regardant le tableau d’affichage mais ça m’est bien égal cette fois, mon billet est même composté.
Ce type en béret bleu qui me remercie deux fois en ajoutant un ‘Monsieur’ bien appuyé tout en vérifiant mon titre de transport ne sait pas qui je suis, lui non plus. S’il avait mon dossier ferroviaire sous les yeux, il irait faire la fortune de la Française des Jeux en loteries et grattages divers : quand des miracles de ce genre se présentent, il faut savoir ne pas passer à côté.
Par acquis de conscience, je vais vérifier l’absence de prises électriques en première. Si j’en vois une, je ne réponds plus de rien. Mon arme a besoin de cet apport énergétique. Je l’appelle affectueusement HP, il est noir et silencieux : un véritable cobra qui guette ses victimes d’un œil peu indulgent.
Aucune prise, tout va bien. Je suis tendu et apaisé en même temps, globalement je peux définir ça comme une greffe de cœur in vivo. Bien sûr, j’ai encore envie d’éventrer quelques vieux, deux femmes et un type excessivement pénible qui tient un inutile cocker en laisse au Bic quatre couleurs mais j’arrive à contenir tout cela le long de mon déplacement dans les couloirs. C’est un peu fébrile mais étonnamment confiant que je regagne ma place. Cet aller-retour m’a permis de vérifier le bon fonctionnement de quatre-vingt quinze pour cent des vitres électroniques séparant les wagons du TGV. Tout est donc en ordre, le départ peut être donné.

La dernière fois que j’aie rencontré ma mère, elle m’a donné trois cents euros en me disant que ce n’était plus la peine de revenir. J’ai pris trois cents euros et je ne suis plus revenu.
La dernière fois que j’aie rencontré mon père, il ne m’a rien donné en me disant que je pouvais rester. J’ai pris dix milles euros dans sa bibliothèque de multimillionnaire et je ne suis plus revenu.
La dernière fois que j’aie vu mon frère, il paradait en uniforme militaire à l’enterrement d’un aïeul commun. On ne s’est rien dit, on ne s’est rien donné, on ne s’est rien pris et je ne suis plus revenu.
La dernière fois que j’aie rencontré un vagin sudiste, j’ai perdu trois milles euros en me disant que la stupidité arrivait même aux plus grands. J’ai pris le restant en espérant qu’un hydravion s’écrase sur sa mère dans les quarante-huit heures et je ne suis plus revenu.
La dernière fois que j’aie rencontré un couple d’amis, on m’a proposé d’échanger mille euros contre dix chèques encaissables de cent euros. Comme c’était la même chose, j’ai gardé les mille euros et je ne suis plus revenu.
J’ai un rapport conflictuel avec les rectangles en papier, que voulez-vous.

Bruxelles, six heures et mille kilomètres plus loin.
Quand on n’est pas très calé en géographie, on pourrait facilement croire que la Belgique est un pays limitrophe du Cambodge. C’est faux. Mais compréhensible. Des putes, des sex-shops, du riz Basmati qui n’en est jamais, l’atmosphère grasse et lourde : que la branche indonésienne d’Al-Qaïda fasse sauter des boîtes pleines d’allemands défoncés à mort qui s’éclatent comme des bœufs dans leur chambre avec des pré-pubères locales et on rebaptisera le tout Bangkok II, « Vous avez aimé le I, vous adorerez le II, en plus c’est juste à côté et vous pouvez manger des cornets de frites ». Moi, je trouve ça plutôt bien.

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Les mots ont toujours été bien plus intéressants que leurs auteurs. Je n’échappe pas à la règle. En conséquence, je vais donc vous parler de moi.

Je travaille délibérément dans la même entreprise que le mari de mon alter ego féminin. Je le vois tous les jours, je le salue chaque matin comme c’est de coutume dans ce genre d’activité professionnelle à forte tendance communautaire. J’ai pris un peu sur moi pour m’intégrer mais juste ce qu’il fallait. Ils m’appellent ‘Le marseillais’, je les appelle ‘Les jeunes’ : l’entente cordiale et bonhomme du milieu ouvrier gauchiste standard.
On pourrait croire que travailler dans une déchetterie belge est un travail assommant. Et c’est le cas. Mais je n’ai jamais dit que je détestais avoir les mains sales. Bien au contraire. Je me trouve dans une posture identique à celle de Fante dans son usine de sardines au détail près que je suis un type vicieux qui alimente régulièrement sa passion pour les paroxysmes conflictuels sociologiques extérieurs. De manière générale, on peut dire que je me congratule, moi, mes raisonnements et mes stratégies, huit heures par jour.
Et seulement avec ça : je tiens le rythme sans problème. Je pense à elle et à l’essoreuse mille cinq cents tours minute qui doit lui tenir lieu de cerveau quand elle le voit partir au boulot, à six heures, sachant que je l’y attends, devant le centre de tri, ma bière à la main et qu’on échangera quelques mots sur les derniers transferts de l’Anderlecht ou du FC Bruges.

Cette aventure est formidable et il n’y a qu’une caractéristique qui est apte à lui donner cette valeur : la véracité totale et non faussée par les scrupules rampants.

Elle lui ment, je mens à tout le monde. Sauf à moi-même, cette fois-ci. Je sais pourquoi je le fais : ça m’excite universellement. Je suis peut-être capable de vivre dix ans ainsi, voire plus. Rien que pour pouvoir l’observer séparer le plastique des matières organiques, pour visualiser mentalement sous ses gants l’alliance métallique qui enserre son annulaire gauche, la même que celle qui prend les ascenseurs, qui entre dans les chambres d’hôtel une ou deux fois par semaine et que je peux toucher du bout des doigts en faisant l’amour à sa femme.

Bien sûr qu’elle la garde. Ce serait trop stupide de se voiler la face. Et ça permet une fois de plus de démonter les clichés cinématographiques.

Un brave homme. Je ne dirai aucun mal à son propos. Par respect pour elle, pour lui, pour moi.
C’est un ignare notoire qui a le processus intellectuel de Pong sur Atari. Un Pac-Man des temps modernes. Couloir. Boule. Haut, bas, droite, gauche. Une jouabilité simple mais culte. Ah oui, il y a un méchant de temps en temps, au détour d’un mur : le but étant d’éviter de le toucher. Le pauvre grille-pain humain risquerait un court-circuit.
« Schting ! Je te sers ton cortex à point ou cramé ? Beurre ? Demi-sel ? »
Oui, je sais, c’est nul et puéril mais moi, ça me fait beaucoup rire. Nos perceptions de la drôlerie sont plus opposées que vous ne le croyez.

« Ah, ces jeunes… »
Je leur dit souvent ça, aux gars. En tant que benjamin du groupe, je trouve ça plutôt cocasse, enfin j’utilise principalement cette expression pour reprendre mon souffle suite à mes crises d’hilarité autonomes.
Bref, je m’amuse bien. Tout en étant très absorbé par mon but.
Elle, un peu moins. Je crois savoir pourquoi mais elle, n’a aucune idée de qui je suis, comme tout le monde ou presque.
Lui, non. Mais il amuse. Ce qui est déjà bien de la part d’un élément d’électroménager.
La chaîne a pris l’habitude de compter parmi ses membres silencieux et concentrés, une espèce de taré venu d’ailleurs. Comme ils disent.
Je fais partie des meubles, à présent.
Enfin, des déchets.

Nous y voilà. Certains auraient pu, au prix d’un effort vain, souligner l’élégant pas chassé aérien et rotatif exécuté par l’auteur pour éviter le sujet-phare : l’odeur. Eh bien, je les tartine de guano frais à la truelle bruxelloise par l’assertion suivante : « En effet, la population exhaustive de renards européens avait trouvé la mort en ce lieu et il y a fort à parier que quelques hérons grandement malades et autres morses agonisants ont été planqués, ici et là, par des ambianceurs sadiques afin de relever l’effet olfactif déjà très soutenu de la putréfaction post-létale de nos amis des sous-bois à la truffe sale. » ( je mentirai si je disais que l’écriture de cette phrase n’a pas failli me faire bouffer mon bureau et je vous renvoie à un précédent texte en ce qui concerne les métaphores animales et leur utilité scripturale, tant que je peux encore tenir mon stylo à peu près normalement )

J’ai un petit studio à quelques kilomètres de là, rien d’extraordinaire. Elle n’y est jamais venue, pourtant je n’ai rien à cacher. Les films de cul sont classés par ordre thématique et je m’entraîne toujours à jeter mon caleçon quotidien sur la poignée de porte de la salle de bains. D’ailleurs, je sens que je progresse, mes taux de réussite avoisinent les quarante pour cent pour une distance inférieure à cinq mètres actuellement. Je mange n’importe quoi parce que mon métabolisme me le permet, je fume mes deux paquets et demi par jour et je suis bourré un jour sur un. Il faut au moins ça pour travailler au centre.
En ce moment, j’ai un projet qui excite mes synapses à intervalles réguliers. Je prépare un gros coup. Inviter Laurent et deux gars de l’usine à venir boire un verre, je lui dirai qu’il peut passer avec sa femme, si ça lui fait plaisir.
Ce sera grandiose.
Je suis complètement frappé de faire ça, d’autant plus qu’il y a des probabilités certaines pour que je sois au bord de l’asphyxie par contention des réflexes zygomatiques pendant toute la soirée. Pas bien grave, j’irai m’en payer une bonne tranche en allant pisser, j’imagine.
Stéphanie, elle sera déjà morte, à ce moment-là. Le cœur aura lâché, enfin tout le monde le croira à part moi et mon employeur. Le drame, quoi. Pourtant jeune et sans prédispositions spécifiques aux attaques cardiaques. Je suis persuadé que je serai encore à me rouler par terre dans la cuisine, assez loin des infirmiers qui s’acharneront sur le corps, dans le salon.
C’est ma seule faille technique, je ris beaucoup.

Quoi qu’il en soit, je suis satisfait d’avoir émigré en Belgique, on peut y travailler l’humain avec plus de décontraction et les gens sont un peu plus sympathiques. Je vous conseille ce pays.

Tout cela est bien loin, à présent.
Je ne travaille plus à la déchetterie et j’ai déménagé : j’ai un petit bout de jardin, maintenant, c’est convivial. Un beau parterre de roses rouges très foncées qui se développe selon toute attente. Surtout depuis que Stéphanie leur offre l’apport en oligo-éléments dont elles ont besoin pour prospérer.
Les types du SAMU belge n’ont pas fait le poids face à la vitesse fulgurante de la propagation du curare dans ses cellules nerveuses. Le flic avait déjà vu plus suspect et son incompétence a assuré la sérénité du commanditaire. Le légiste était un ancien client et il s’est très vite rappelé qu’il ne voyait aucun corps étranger dans l’organisme. Il a tout bien noté dans le rapport.
Mission accomplie.

Ca avait tout de suite collé entre nous, je l’aimais bien. C’était un type en or. Dans ce pub, il s’était vite confié : sa haine, son ego froissé, son projet. Les bières avaient fait le reste. J’avais été ému par cette chose blasée, c’était touchant de voir à quel point il voulait sa mort. Quand il a su quelle était ma profession, tout a démarré très vite, il m’a dit que j’étais l’homme qu’il lui fallait, que je pouvais l’aider à retrouver son honneur souillé.
J’ai touché les vingt milles euros que Laurent m’avait promis, où était-il allé les chercher, je m’en fous royalement.
Un an, c’est très long pour un meurtre.
Mais il voulait que tout paraisse naturel et il voulait la voir. C’est ça qui a été le plus difficile à mettre en place. Il fallait une soirée, des amis qui aient l’air d’en être, des souvenirs en commun. Il voulait être complètement hors de cause, bien sûr. On travaillait ensemble et ça collait parfaitement avec ce projet de soirée. Il fallait que ce soit suffisamment durable pour ne pas créer la suspicion en elle mais le contrat devait être rempli en douze mois. C’était ce qui était convenu.
Le coup des rosiers, c’était une de ses exigences aussi : le client est roi.
Il vient demain, ça sera dimanche. Et il aime venir boire un verre sur ma terrasse, face à mon petit bout de jardin.

Mes chambres d’hôtel sont payées par la colère de l’Homme.
Par la haine qu’il entretient envers ses semblables.
Par leur décision à faire mourir ceux qui en méritent le prix.
Voilà pourquoi je les ai toujours cautionnés.
Voilà pourquoi je connais trop le danger des scrupules.
Voilà pourquoi, dans ce domaine également, je suis l’un des meilleurs.

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Globalement, ces évènements ne se sont pas déroulés, je viens à peine de débarquer à Bruxelles et un autre train m’attend. J’ai du retard suite à un incident de personne sur la voie du côté de Lille, comprenez par là qu’un autre individu n’a pas supporté le cocktail maison de l’existence.

Et j’espère bien que mon scénario aura tout faux.

Qu’elle me couvrira de son regard dense.
Que je serai celui qu’elle supporte le plus facilement parmi l’humanité affligeante.
Que mes textes prendront encore plus d’amplitude et que je sentirai encore un bon moment le vent belge dans mes cheveux.

Alors pour cela et pour tout le reste, je vais encore continuer un peu à essayer d’être vivant.
Elle pourra m’y aider.
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