L'effet Cassandre est l'ombre du néo-réaliste

Pâris était un brave garçon qui n’avait pas froid aux yeux et qui détenait un goût certain pour le concept chevaleresque mais il alimentait une tendance, révélée par la suite fâcheuse, à pratiquer son art de la décontraction héroïque en des contrées tout à fait lointaines et, il faut bien le dire, tout à fait absurdes.
Les Balkans étant a priori son jardin de prédilection, il s’avéra rapidement que le choix d’aller cueillir Hélène en plein royaume hellénique ( facile mais c’était trop tentant ) fut assez lourd vis-à-vis de son rapport qualité/prix. Voire désespérant puisqu’il aurait tout aussi bien pu assouvir sa faim de manière moins malheureuse et bien meilleur marché. A savoir dans les jupes de sa superbe frangine, d’autant plus que le protocole local en la matière à cette époque aurait été loin de s’en insurger.
J’ai nommé Cassandre, la femme de tous les talents.
Génialement néo-réaliste, elle aussi.
A toute fin utile, rappelez-vous Mesdemoiselles, que si un demi-dieu ( Apollon, si cela ne vous fait rien ) vous propose une phase de négociation au sein de laquelle votre corps peut servir de monnaie d’échange à l’acquisition d’un statut de prophétesse avertie, vous détiendrez toujours un avantage royal sur la suite des évènements. Vous emparer de ce qui ne vous revient pas exactement et prendre la tangente peu de temps après reste encore et toujours une alternative absolue en matière de non-engagement et d’opportunisme libéré de tout scrupule, cette entité hautement corruptrice s’il en est de l’idée éthérée de l’humain.
Certains inconvénients ont la faculté de ressurgir suite à ce genre de comportements pourtant tout à fait admirables de naturel. Des aléas symptomatiques du manque de discernement des individus se considérant de la sorte floués alors qu’ils ne devraient que se satisfaire pleinement d’avoir été ainsi les glorieux interprètes du rôle si viscéralement indispensable du faire-valoir, créateur initial de mythes antiques et modernes. Des contre-effets ennuyeux qui pourront aller - comme ici, en l’occurrence - jusqu’à produire un discrédit des plus notoires sur vos prédictions aussi alarmantes que suspectes malgré leur inattendue mais totale véracité.
Là encore, ce qui pourrait apparaître comme une infecte malédiction ne sera à terme qu’un piédestal supplémentaire sur lequel vous n’aurez plus, consécutivement à de longues années d’errance en des territoires généralement hostiles, qu’à déposer le symbole historique de votre remarquable parcours.

L’anathème comme un don des Dieux.

L’effet Cassandre peut être synthétisé ainsi : « Les grands esprits n’ont nul besoin d’être crus, il leur suffit d’exister relativement »
C’est d’ailleurs ce qu’ils font.
Regardez, moi par exemple : je ne vous demande rien.
Pas plus de me croire que de me cautionner.
Juste de me lire.
Et encore.
La croyance viendra plus tard.
Si elle doit le faire.

Quand on prend en considération le fait que pendant que je m’efforce - avec une efficacité fluctuante - de devenir le plus grand écrivain français vivant après Michel Houellebecq, une jeune femme déployant une énergie étonnante à confirmer sa non-existence brode des éléphanteaux portant de petits seaux de plage sur des bavoirs destinés - en tout cas, ai-je laissé entendre que je n’étais pas strictement hostile à l’existence prochaine de leur destinataire - au fruit de nos entrailles communes, on peut légitimement s’interpeller à propos de la composition réelle du domaine du croyable et de son contraire.
Loin de moi cependant l’idée de renier toute responsabilité d’ordre logique en cela car s’il me revient à l’esprit dans une lancinante interrogation le caractère sans fondements d’une telle entreprise, je conçois et je concède avec largesse une implication atteignant globalement les cinquante pour cent. Auxquels je déduis mon taux de démence inhérente à ma passion non camouflée envers les contrées lointaines mais stupéfiantes de l’insensé décisionnel humain. J’obtiens de cette manière une part d’actions stratégique et non négligeable afin de faire fructifier par la suite l’investissement initial somme toute relativement réduit mais également aisément monnayable en cas de chute accidentelle et moyennement prévisible du cours utopiquement estimé.

Croire que l’on peut gagner quoi qu’il arrive.
Quelles que soient les modalités de cette victoire et le sens qui lui est donné.
La condition sine qua non pour se permettre de positionner l’aspect ludique absolu en bonne place au sein de toute revendication existentielle.