Tant qu’à faire, j’aurais pu pleurer toute la soirée en écoutant Chimène Badi. Ca me parait en substance moins lamentable.
31 décembre. 16h. J’émince de façon totalement automatique les champignons destinés à la farce en songeant aux ébattements fictifs qui m’emplissent depuis quelques jours déjà. Tokay Pinot Gris. Juste un verre, c’est pour l’ambiance, évidemment. Le planning m’apprend que je dois immédiatement accoupler le thon en boite et la mayonnaise. Pour ensuite tartiner les toasts.
J’ai préparé le terrain. Je me suis rendue utile. Les courses du réveillon, une tâche réellement ingrate. Dans l’ensemble, je m’en suis bien sortie. J’ai failli craquer au rayon poissonnerie devant les 15 variétés de bâtonnets de surimi. Ca ressemblait à une blague aussi douteuse que les odeurs de marée basse qui me chatouillaient le nez. Apres quelques minutes de contemplation, j’optais pour les moins chers. C’était moins une. Les 12 consommateurs en faction derrière moi étaient sur le point de me grimper dessus. J’ose à peine évoquer mes sueurs froides dans le district sorbets et ma crise de tétanie face à l’apocalyptique étalage de petits fours. Auchan, la vie douloureuse, la vraie.
19h. Le thon mayo sur les toasts a un peu séché. La sauce cocktail n’est pas terrible, il n’y avait plus de whisky, je l’ai faite au cognac. Tout le monde est là. La présence d’un nourrisson et d’une future mère m’oblige à aller fumer dans la véranda. Ces cigarettes en solitaire me procurent quelques moments d’évasion.
Je souris un peu bêtement en ressassant nos quelques échanges. Je te trouve bien téméraire. Tu en deviens presque excitant. Tu as perdu un peu d’intangibilité, mais ce n’est pas grave. Le résultat sera le même. Je peux tenir un sacré bout de temps à t’écouter parler. J’écrase vaguement mon mégot, je retourne poser mes fesses et ma coupette au salon, ça cause couches biodégradables et lait en poudre. Je m’explose une molaire sur le noyau d’une olive. Je zappe distraitement. La cocktail remporte un franc succès. La programmation des fêtes de fin d’année est terriblement inconsistante, c’est loin d’être un scoop.
21h20. J’aurais du acheter deux brioches pour accompagner le foie gras. Ou acheter moins de foie gras.
Nous sommes célèbres. Oui, je m’emballe un peu. Ca n’est pas demain qu’on trouvera nos gueules pixellisées en couverture des magasines people. C’est que le sexe fait vendre, indéniablement. Alors imagine, le sexe et l’alcool c’est encore mieux. La névrose hystérique en plus, le summum. C’est un peu classique, déjà vu, réchauffé à toutes les sauces. Bref. Ca n’est toujours pas grave. Nous sommes à un tournant de l’histoire. Ils attendent la suite avec impatience. J’espère qu’ils m’imaginent dépravée et corrompue. C’est bien plus drôle. Tu penses qu’ils le croiraient si je disais que j’écris sous MDMA, sur une vieille Remington, nue dans une cave à la lueur de bougies anti-tabac ?
Il y a une bouteille de Veuve Clicquot et des couvertures dans le coffre de la voiture. J’ai trop bu et je ne sais même pas où tu es, mais ce programme est quand même plus bandant qu’Arthur et ses chroniqueuses.
Je baille.
23h15. Les filles sont prévoyantes et font la vaisselle. Les mecs discutent grands vins et belles voitures. Je contemple mon vomi au fond de la cuvette. J’ai un peu honte sur le moment. Je tiens bien l’alcool habituellement. Ma foi c’est peut être le surimi. Ouais, probablement. Je n’ai pas vérifié la date de péremption. Le prix ridiculement bas aurait du éveiller mes soupçons. Je sors fumer pour faire passer le goût.
A bien y réfléchir, tu as une tête bizarre, ça me plaît. J’ai quatre ou cinq kilos à perdre. Le chat miaule à briser tous les cœurs mais il doit rester dehors. Cet abruti a déjà failli bouffer le foie gras. Ce qui aurait néanmoins résolu ce problème de brioche. Après tout, mon quotidien et les manifestations débridées à venir ne sont pas incompatibles. Tenu secret, le parjure ne fait de mal à personne. C’est toi qui me l’as dit. Ce genre de postulats foireux a le don de me mettre en branle. Mais il fait froid, je rentre.
Je lutte vaguement, affalée devant le bêtisier d’une chaîne flamande. T’imaginer la main dans ma culotte m’arrache un dernier sourire envasé.
Je sombre.
00h30. J’ouvre un œil sur l’horloge. Personne ne m’a réveillée pour les échanges de vœux. Mon estomac me suggère de lui soumettre une tranche de rôti en croûte. Je bois du Coca light. Le gratin dauphinois est raté. La Roumanie et la Bulgarie sont dans l’Union.
Ce canapé est décidément bien confortable. Il faut que tu saches que tu vas désormais m’entendre de plus en plus souvent. Il faut bien que je m’alimente. Je te sucerai jusqu’à la moelle, comme j’en ai sucé d’autres avant. Au sens figuré évidemment. Au sens propre, ça doit être éprouvant j’imagine. Ou alors je deviendrai une excroissance de toi. C’est plutôt alléchant comme programme, non ? Il faut que j’engraisse ma prose, elle perd déjà en saveur.
3h00. Je mange de la glace fondue en pyjama. On se souhaite une bonne nuit.
1er janvier. 22h30. Episode relaté, sans conteste affligeant de banalité. Une tranche d’introspection indigeste, parfumée à l’eau-de-vie et régurgitée au milieu de personnages affectés de manière exclusive à la décoration (et qui pensent que Bukowski est un sauteur à ski Polonais), toujours en tirant profit du filon. Je passerai bientôt à autre chose. J’écoute Hells Bells trop fort sous le casque pour couvrir les cris des mômes qui envahissent encore cette maison qui n’est pas la mienne mais où je devrai encore dormir cette nuit. Il reste un fond de Grand Marnier. Bonne année.
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