Ecriture et positionnement néo-réaliste
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 Nihilisme appliqué

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omega-17
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omega-17


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MessageSujet: Nihilisme appliqué   Nihilisme appliqué EmptySam 30 Déc - 21:51

« Allô… ?
- Oh, Jean-Marie, tu vas bien ?
- Autant que je puisse, oui. Et toi ?
- Oui, ça va. Je voulais te demander : samedi, tu es libre, hein ?
- Euh, ben, j…
- Parce que je vais sur Avignon et j’ai besoin de quelqu’un, c’est un client qu’on m’a refilé.
- Je pense que oui, faut voir.
- Tu perdras pas ta journée, t’inquiètes. Ca paye bien, tu verras.
- Ok, je marche.
- Allez, je passe te prendre à huit heures.
- Pas de problème. »

Un accent à trancher des parpaings.
S’il m’avait dit :
« JM. Boulot, bien payé. Demain, huit heures. Stop. »
Franchement, ça aurait été tout aussi bien.
Décidément, le téléphone est vraiment un instrument manipulateur.

Remarquez, j’avais rien demandé.
Je glandais paisiblement en pianotant sur mon clavier pour faire apparaître une phrase qui tienne la route. Rien de bien méchant.
Il y a des gens comme ça, qui viennent vous parler, vous demander des choses, des services : des empêcheurs de tout et de rien, oui.
Et puis, il y a des gens qui viennent vous proposer des coups, vous informer, vous dépanner : ce sont rarement les mêmes.

Je vous mets au parfum : il s’appelle Paul, il a sauté ma mère pendant trois ans et, de ce fait, il pense qu’il se doit de m’accorder un peu de son attention de chef d’entreprise marseillais débordé par les arnaques en tout genre qui fleurissent à chaque coin de rue.
Et de me faire gagner du blé au passage.
Comme un retour de culpabilité et tout le lot des convulsions chrétiennes.
Il faut dire que j’avais bien saisi le paternalisme ambiant qui régnait dans cette région de France : tout le monde en rêve mais peu savent qu’elle est l’une des plus conservatrices. Ils sont sûrement plus progressistes à Dunkerque, je vous jure.
Je baise ta mère donc je crée un lien avec toi. C’est normal.
Ces gens sont tarés.
Tant pis.
Ou tant mieux.
Restons flous : ça nous sauvera.
C’est qu’il n’en était pas à son premier coup de générosité suspecte, le bonhomme. Enfin, je comprends un peu : ça m’arrive aussi mais il faut que je picole sinon ça marche pas. Lui ne boit pas beaucoup en plus. Impardonnable. Pas de circonstances atténuantes. Pour lui, c’est perpétuité.
Je l’avais vu un paquet de fois dans une brasserie, suite à des conversations téléphoniques détentrices d’un existentialisme aussi flagrant que celle-là.
Rien de probant, on tournait bien en rond et moi, je picolais mon pichet aux frais du prince sudiste : il m’en faut peu pour me contenter.
Cet énergumène roulait en Porsche d’occasion : un prototype.
Le mec, pas la caisse.
A cette époque, je prenais directement le liquide sans poser de questions. J’en avais tellement rien à foutre de savoir vraiment qui il était et où se cachait le pourquoi du comment dans cette affaire. J’ai appris tout ça plus tard et ça n’a pas changé grand-chose.
Moi, je vois que ça me permet de vivre sans aller à l’usine, c’est tout ce qui m’importe. La fierté, l’honneur, l’indépendance, la valeur qu’on leur donne : je pisse dessus.

Là, il va falloir se bouger un peu pour engranger, apparemment.
Dommage.
Mais pas très grave : encore une pénétration-éclair dans un monde qui n’est pas le mien avec des comportements factices encore, avec des sourires complices qui n’en sont jamais : bref, du travail, quoi.
Avec des gens dedans.

Huit heures, je m’envoie un café fadasse avec lui. On décolle. J’ai pas pris de pack : pas osé.
Il en a rien à battre en plus, je suis trop con, là, à fumer mes roulées, ça manque de fluide dans cette bagnole qui trace vers ce boulot improvisé.
« D’ailleurs, c’est quoi cette fois ?
- Oh, bah, c’est juste une baie vitrée. On va changer les roulements.
- Bon, ça va. Tu me montres, moi, je te suis.
- Ouais, ouais. C’est tout con, tu vas voir. C’est un boulot en or.
- Mouais… »
Les boulots-tout-cons, ce sont les plus dangereux : on vous attend au tournant. J’aime ça moyennement.
Voire pas du tout.
Je préfère quand ça roule tout seul mais l’inconnu a du bon.

On arrive peinards : lui avec son costard d’escroc classe, moi avec ma dégaine peu imaginable. Si Lennon réparait à domicile, ça se saurait.
Le pigeon a dit qu’il arrivait, qu’on avait qu’à l’attendre en bas de l’immeuble. Une caricature de Pinochet en vélo. Je vois rien d’autre.
Bonjour, bonjour.
« Allez, ça ressemble à quoi, votre souci ? »
Droit au but, pas mal.
Mais c’était sans compter sur la foule de coléoptères fripés. Une demi-douzaine d’êtres déambulants nous suit jusqu’à l’ascenseur. Tout le pâté de maison était averti de cette intervention professionnelle capitale. Eux aussi, il leur en faut peu.
Me voilà rassuré.
Enfin.
Une escorte de la décadence organique humaine.
Blindé.
Le vieux était blindé, ça se voyait au premier coup d’œil. Moquette en laine épaisse, moulures au plafond, la porte aussi était largement blindée.
Et les meubles : l’hôtel Drouot, vous connaissez ?
Ben, voilà : vous y êtes.
Le phantasme de l’antiquaire véreux.

Certains sont passés maîtres dans le troc international : pétrole contre nourriture. Là, c’est pareil : fric contre considération extérieure.
Les ricains n’ont rien inventé. On monnaye du vide tous les jours, juste devant votre porte et vous ne le voyez jamais ; en tout cas, on s’efforce de tout faire pour. Faut pas déconner.
Soyons absolus.

« Alors, cette baie vitrée ? Qu’est-ce qu’elle raconte ? »
Ce Paul est bien un marseillais enjoué : c’est bon pour le commerce. Pour ma part, j’observe les alentours avec circonspection, ça me donne un genre très pro.
Une bien belle vue, c’est sûr. Toute la ville sur un plateau. Mais on est pas là pour admirer le paysage, juste pour jouer les cadors du déplacement à la commande.
« Elle grince. A tel point que je n’arrive même plus à l’ouvrir depuis quelques temps »
Il avait déjà un pied dans la tombe mais il s’accrochait à faire réparer une vitre, ce croulant.

Ne pleurez plus en payant vos impôts : ils vont à l’entretien de ces gens-là. Plus vous payez, plus ils vivent durablement, plus on encaisse.
Merci pour nous.
Trop brave de votre part.

Vas-y qu’on dégonde cette vitre panoramique, pas vraiment monstrueuse mais une belle enflure quand même.
Deux coups de cuillère à pot, de tournevis, de lime et d’ustensiles divers et on était nickel chrome pour refoutre tout le bordel en place. A ceci près qu’on avait dû défoncer la jointure au marteau, mais bon, on est des professionnels, ça se voit tout de suite évidemment, qui oserait remettre en cause notre façon d’opérer ?
Sûrement pas un clone de dictateur chilien.
Je demande où est l’aspirateur, histoire de faire propre vu le chaos qui jonche le contour de ce qui était une vitre de cinq mètres de long avant notre arrivée.
Et là, dans le placard : le coffre. Fort et blindé, c’est une habitude maintenant.
Deux secondes d’hésitation : non, trop flagrant.
C’est un coup à vendre l’info au pire des cas pour prendre une petite commission pour le tuyau mais rien de plus.

Terminé. On a rafistolé les éléments trop voyants du travail torché. Apéro offert gracieusement, liquide dûment empoché.
Merci. Au revoir.
La facilité est une entité éthérée.
Pourquoi cracher dessus ?

Dans la bagnole :
« J’ai repéré le coffre à côté de l’aspirateur.
- Putain, t’as pas essayé d’ouvrir ?
- Attends, il était fermé, c’est clair.
- Ouais, te bile pas, il était sûrement fermé de toute façon. »
Mouais.
Sûrement.
Deux heures sur cette baie vitrée, dont la moitié à regarder le paysage : six cents euros. J’en prends deux cents.
Ramené à bon port, je porte allégeance au capitalisme notoire. Je jubile. Il n’est pas encore treize heures, ma journée commence fort.
« Tu reviens dimanche ?
- Quand tu veux. Je fais aussi les tarifs de nuit.
- Bon, allez, je t’appelle. »
Un peu que je reviendrai dimanche.
Manquerait plus que ça.
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