Pour la gloire de ne pas être
Tu aimes écrire ta vie rêvée, ou fantasmer sur ce que tu crois être, tu t’imagines peut-être que tu deviendras ce que tu écris…Je te souhaite que non bien sûr, ce serait triste de devenir cet objet banal fustigé par les médias et sculpté par les fantasmes communs. Une superficialité terrifiante, un mensonge vivant, un vide permanent, un écho des échos.
Prends toi cinq petites minutes de ton temps, ce temps que tu te consacres pour t’admirer fièrement dans ce que tu crois être une réussite tardive ou un talent pas encore reconnu. Prends donc sur ce temps-là et observe bien ce que ces promesses, que tu voudrais voir naître dans cette réalité qui se fait tant attendre, deviennent.
Tu es aujourd’hui encore exempt de rides ou de toiles d’araignées qui te tiennent à ton écran, ta machine ou ton livre mais elles se tissent dans ton dos…Regarde toi demain sur cette pente que tu prends pour une ascension à tes aspirations.
Tu es devenu ton ombre, ton image virtuelle ; ton existence que tu peux toucher reste immobile et tes rêves sont devenus flous. Tu es dans un monde qui bouge où tes mouvements sont invisibles mais pourtant tu es persuadé(e) d’être en avance. On te dit que tu n’es plus à la page mais toi, tu penses que de ne plus l’être l’es.
Tu passes tes journées au lit et tu te vautres la nuit dans ton pull troué pour faire plus artiste, plus inspiré, plus dévarié. Tes amis sont tes mots qui s’alignent, eux aussi sont un fantasme. Ils ont désertés depuis longtemps sans que tu ne t'en rende compte quand ils ont pris conscience que dans chacune de tes phrases c'est " moi, moi et moi" qui revient. Ceux qui sont restés sont là uniquement pour les mêmes raisons que toi: la prospérité ou l'intérêt.Et votre passe temps préféré c'est vous saôuler en philosophant mais jamais bien longtemps car ça finit vite en conversations dénuées de sens ou dont le centre d'intérêt est la médisance sur ceux qui sont absents. Tu es convaincu malgré tout d'être à l'abri des mauvaises langues car tu es évidemment certain(e) que l'on ne parle que de toi en bien.Et oui, la franchise c'est dans les pages pas dans la vie de ce beau petit monde!
Tu es convaincu que vivre d’un certain style en l’écrivant est une forme de bourgeoisie reconnue par l’élite mais l’élite la vit, elle n’en parle pas et elle reconnaît les vrais expressions d’authenticité pas celles qui sont inventées pour se dire exister.
Le soir de ta vie, à l’heure où tu te retourneras pour te remplir les yeux d’une dernière vague d’inspiration réelle, tu suffoqueras de voir que la source est asséchée, qu’il n’y a rien d’autre que toi et le vide, toi et tes mots inventés, toi et tes livres, toi et tes étagères de pensées comme il faut au lieu de pensées comme tu es.
Tu ne sais plus pourquoi tu es et te voilà déjà mort(e).
Avant de te rassoire derrière tes pages blanches, demande toi si ton égocentrisme peut se contenir dans ton inspiration ou si c'est l'inverse…