Ecriture et positionnement néo-réaliste
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 Ca ne vole pas haut II

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omega-17
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omega-17


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MessageSujet: Ca ne vole pas haut II   Ca ne vole pas haut II EmptyDim 27 Mai - 12:43

La qualité du matériel est évidemment de première importance. Une perceuse à percutions en fin de batterie ou un pied-de-biche émoussé, puisque c’est parfois l’ultime recours selon la présentation de la porte, et c’est la Bérézina. Plus qu’à remballer et à prendre la tangente en maudissant sa négligence. Nuisible au moral.
Un couteau pour les tiroirs de bureaux, un maillet et du carton tapissé de mousse pour atténuer le bruit quand vous passez au buffet si vous éprouvez des difficultés à crocheter la serrure, ce genre de meuble est souvent rempli de documents personnels donc ne vous y attardez pas sauf si vous prévoyez de faire chanter le propriétaire, ce qui est déconseillé pour des raisons évidentes de sécurité concernant la remise du paiement. Des sacs-poubelle : les vases Ming ne se transportent pas sous le bras, c’est mal vu. Je suis rentré chez moi il y a une demi-heure, pas plus, et je descends mes ordures ménagères après avoir mis mon sac à dos à l’intérieur. Crédibilité encore. Je suis un citoyen respectueux et sensible à la cause environnementale. Je suis un type tout ce qu’il y a de banal.

Les saisies sont à sélectionner. Le liquide en premier lieu : dans la pièce de travail, le petit meuble de l’entrée, la bibliothèque du salon ou la chambre à coucher même si elle abrite plus communément le coffre à bijoux, la montre de marque, les tailleurs haute couture, les chaussures en croco et ce genre d’articles aisément écoulables entre vingt et trente-cinq pour cent du prix de vente. Ca peut paraître peu mais ce sont les prix pratiqués, négocier tourne rarement à une prise de bénéfice supplémentaire excepté si le marchand souhaite ardemment acheter l’objet, situation particulièrement exploitable si vous travaillez à la demande auquel cas vous avez toute latitude pour exercer une pression sur le receleur en mauvaise posture car mouillé à un degré supérieur au vôtre. Eux sont de vrais clients par contre ; j’en ai quelques uns et je les tiens en respect, ils sont moins rares qu’on ne le croit mais assoiffés d’affaires juteuses et tenteront toujours de mener leur barque au détriment de votre labeur. Les antiquaires en sont la plus violente illustration. Démontrer sa supériorité dans l’échange commercial devient alors nécessaire pour dégager de substantiels revenus.
Canapé et fauteuils ne sont pas à négliger quand ils disposent d’une fermeture-éclair ; le lit est un classique relativement décevant mis à part chez quelques personnes âgées, considérez qu’éventrer le matelas est une débauche d’énergie sans intérêt.
Informatique, hi-fi et téléphonie sont de véritables offrandes dès lors qu’elles sont portables : ne cherchez pas plus loin, c’est souvent amplement suffisant pour amortir votre déplacement et plus encore.
Pour les bibelots, assiettes, couverts et carafes, ne vous chargez pas sans être sûr de leur valeur. L’argenterie est ce qui se vend le mieux en la matière et de manière générale, ignorez si ce n’est ni en cristal, ni en peinture à la feuille d’or : vous n’en tirerez pas grand-chose et sûrement rien qui soit à la hauteur de votre investissement personnel.
Pas de tableaux, même réduits : beaucoup trop traçables. Abandonnez aussi l’idée d’emporter le petit persan que vous avez aperçu dans le salon : les marchands de tapis portent leur nom à merveille et le rapport poids/volume/bénéfice est aléatoire. Vous n’êtes pas expert alors ne faîtes pas semblant. J’ai fait la même erreur sur un deuxième étage dans un quartier haussmannien, à la sortie de l’ascenseur j’ai du me justifier à un voisin curieux en prétextant une histoire alambiquée comme quoi j’étais le frère de Melle Terrier chez laquelle je devais emménager et que je la croyais rentrée du bureau. L’improvisation : c’est salvateur en certaines circonstances.

Travailler avec des gants, placer la discrétion en tête de liste de ses préoccupations, choisir ses clients intelligemment et être rigoureux : le reste est affaire de goût, d’audace et de chance.
Tout cela et bien d’autres choses encore s’apprennent, bien entendu. Ce genre d’informations m’auraient permis de progresser plus rapidement sans doute mais indéniablement, mon vécu en aurait été moins riche d’anecdotes ; il n’y a donc pas lieu de regretter.
Pour ma part, j’ai commencé en faisant participer mes proches. Mes parents possédaient peu d’argent et d’objets de valeur à la maison et peu ou rien, c’était du pareil au même pour un couple d’artisans modestes. Faire abstraction de toute forme de culpabilité a été mon premier réflexe professionnel, le négliger aurait été rédhibitoire. On sombre dans la torpeur, la remise en question perpétuelle, la lutte du Bien et du Mal, tout ce genre de conneries : c’est symptomatique des très courtes carrières. On se retrouve caissier de superette en moins de deux et au revoir la délicieuse désinvolture du voleur assumé. Tout est ma potentielle propriété dès l’instant où j’en fais le souhait et que je me donne les moyens de l’obtenir, je ne cesse de me le répéter, c’est mon leitmotiv.

Dès lors que ma vocation était devenue évidente, j’ai pris la décision de m’expatrier pour éviter de travailler sur mes terres, c’était prendre un risque inutile surtout que toutes les régions sont également exploitables quand on sait localiser le bon district. J’ai débuté en développant mon activité deux puis trois jours par semaine au cœur des villes moyennes, j’ai planifié mes saisies, je me suis informatisé par la même occasion et je suis devenu mon propre patron, celui d’une entreprise organisée à mi-chemin ente le cabinet d’analyse et les Déménageurs Bretons.
Certains jours, je souris à l’idée que jamais je n’aurais cru devenir commissaire-priseur et c’est vrai : il y a cet aspect-là dans ce que je fais. Cinq ou six années en arrière, j’aurais été incapable, même à trois cents euros près, de donner une fourchette de prix à une assiette d’époque de confection de Limoges ou à une montre à gousset XIXème par exemple. Et si vous m’aviez prédit que j’aurai une pile d’Hôtel Drouot dans mon appartement pour étudier le marché des pièces convoitées et leurs prix d’adjudication aux ventes aux enchères internationales, je vous aurais envoyé au Diable dans la seconde. Vous serez étonné d’apprendre que j’y suis abonné depuis bientôt deux ans. La vie est un petit animal cynique, n’est-ce pas…?
Mais il serait présomptueux de croire que j’ai de tout temps soigné mon bronzage au soleil des voleurs opulents : j’ai été arnaqué et de la plus ironique des manières, durant une période où je n’avais pas acquis autant de certitudes sur les tenants et aboutissants de mon métier. Loin de moi l’idée de me poser en victime mais il est clair que ceux de mon espèce sont les premiers à se faire avoir, juste après nos clients. Le revers de la médaille me direz-vous : peut-être mais il serait illusoire de penser que j’œuvre dans la facilité. L’évaluation, la préparation, la peur omniprésente même si atténuée par l’expérience, le recel : ce n’est pas de tout repos. Il m’est arrivé de travailler plusieurs jours sur une affaire prometteuse et au final de remuer ma perplexité devant une porte blindée ou un T5 vide pour cause de déménagement ou plus cocasse, de saisie par ordre d’huissier.
J’ai régulièrement changé de secteurs, à chaque fois en quête d’un nouvel éden pour m’installer façon fixe et vivre sereinement. J’exerçais mon art dans des périmètres réduits et en visitant deux fois chaque appartement car on m’attendait ailleurs et partout mais jamais là où j’étais déjà passé, voilà au moins un classique qui détient un véritable écho dans la réalité. Par la suite, j’ai étendu ma zone de prospection, me déplaçant pour des missions ciblées et bien plus rémunératrices qu’à mes débuts.
Maintenant, j’ai plus de temps libre, je suis désormais à l’abri du besoin, j’ai persuadé une jeune femme de m’accompagner dans cette vie simple et originale à la fois et j’ai élu domicile dans un trois-pièces tout à fait correct, à l’écart de l’agitation de nos cités.

La conjoncture m’atteint pourtant comme elle le fait vis-à-vis des personnes intègres : quand ça va mal pour eux, mes revenus chutent et inversement. Je suis le mouvement, j’ai un statut de thermomètre, un véritable indice local de confort de vie. Savez-vous combien pèse la France, la Belgique ou les Etats-Unis en milliards de dollars ? Quel est le PIB annuel moyen de votre pays ? Je n’en sais rien non plus, comme la quasi-totalité des citoyens. Pourquoi ? Parce que ça n’a aucun impact sur le réel de l’homme. Par contre, quand il y a moins d’appropriations de biens externes au patrimoine individuel de chacun, c’est tout de suite ressenti. Lorsqu’elles sont en augmentation également. Observable, admis et reconnu car ancré au quotidien de tous. Dans les sociétés prospères, les voleurs le sont aussi, c’est à ça qu’on reconnaît une nation qui a le vent en poupe. Dans les pays en voie de développement, on coupe les mains des gens comme moi, résultat : ça ne fait qu’empirer les choses, plus d’indice auquel se référer, les habitants se relâchent, laissent dégringoler le PIB sans le savoir et on se retrouve dans une situation dramatique pour toute une population. Dramatique et dans de nombreux cas irrémédiable. Idem pour le chômage : moins de travail, moins d’argent, moins d’escrocs. Quoi de plus logique ?
Des fonctionnaires dévoués et faisant preuve de la plus remarquable des abnégations, voilà ce que nous sommes. On ne court ni les récompenses ni la reconnaissance du public ou de l’Etat qui nous condamne, nos revendications sont inexistantes, nous ne formons aucun syndicat, nous sommes la discrétion personnifiée et nous œuvrons depuis que le monde est monde.

Le voleur, à l’instar de l’écrivain, est un parasite sacré plus que nécessaire dans le maintien d’une société progressiste, telle est la vérité à partir de l’instant où l’on approche le phénomène avec franchise.
Evidemment, vous me direz que ça ne vole pas haut comme justification mais il faut bien passer sous le radar, je dois stabiliser ma carrière sur le moyen terme. La crainte de perdre son emploi n’épargne personne sauf que chez nous, on subit des périodes de vaches maigres assez prolongées lorsque ça arrive. De quelques mois à quelques années avec le dentifrice du voisin de cellule ou les fourchettes de la cantine comme seuls entraînements pour garder la main. Pour l’instant, j’ai esquivé les balles et je suis passé entre les gouttes, je ne me plains pas.
Je souhaite juste délivrer un message d’espoir aux jeunes adolescents craintifs des aléas de l’existence et angoissés à l’idée de leur avenir général : l’alternative existe, celle dont on ne vous parlera jamais mais qui n’en demeure pas moins à votre portée. Courage et confiance en sont les maîtres mots.


Robin des Villes
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MessageSujet: Re: Ca ne vole pas haut II   Ca ne vole pas haut II EmptyMar 29 Mai - 19:37

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MessageSujet: Re: Ca ne vole pas haut II   Ca ne vole pas haut II EmptyMer 30 Mai - 14:02

Idem.

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