Deux factions militantes se regroupent dans l’avenue au demeurant vide de toute autre activité. Les fascistes insistent sur la nécessité d’ôter l’encéphale des communistes d’en face. Ceux-ci hurlent à leur liberté, principalement celle d’anéantir la cervelle flasque des néo-nazis en légère infériorité numérique.
J’en vaporise une demi-douzaine de chaque camp au lance-grenades : panique et questionnement. La dispersion ne se fait pas attendre. Après avoir abattu une jeune femme d’appartenance idéologique quelque peu indéterminée qui tentait de fuir pour une raison me paraissant incompréhensible sur le coup, je referme la fenêtre.
Cette agitation m’a donné soif.
Il fait très moite dans cet appartement, sanction donc : vodka-martini citronnée à l’arrache. Il me semblerait légitime que la tapisserie se mette à dégouliner sur le parquet. Cela n’arrive pas.
A cet instant, je crois que j’ai ressenti une grande déception.
Je me lève en rampant à moitié, un sac de briques de maçonnerie cahotant entre les tempes. Mon enquête préliminaire aboutit à un suspect probable : William Lawson’s, âgé d’à peine quelques années, trente centimètres au goulot et muet comme une carpe asiatique : je n’en tirerai rien.
Je suis persuadé d’être le seul individu dans un rayon d’une centaine de kilomètres à rêver d’une adaptation moderne de La Liste de Schindler avant de vomir dans l’évier en pétant avec sobriété.
J’arrive à être seul en tête dans un nombre incroyable de disciplines et ce, très régulièrement.
« Ce week-end tri journalier fut d’une tristesse totale. Le cartouche de l’existence se résume probablement à un gouffre vaguement circulaire. Cette phrase n’a d’écho que dans le Rien, son vide en semblerait atteindre une perfection lourde. »
Ouais. Ca, c’est ce que j’ai torché hier, sans doute. Je continue à me comprendre et je trouve ce phénomène surprenant à juste titre.
Alors que je me meus innocemment vers la douche, un meuble se jette en hurlant sur mon pied, par ailleurs complètement nu. Mon instinct m’indique que frapper le mur en représailles serait source de soulagement. Au dernier moment, un neurone survivant manifeste son opinion : selon lui, ce geste serait d’une crétinerie profonde et de plus, douloureux.
Bien, j’en prends note et j’effectue, l’esprit vengeur, un moon-walk de tous les diables en tortillant les clavicules approximativement mais très vigoureusement : bien fait.
Hé hé…
Il y a cinq ans, je voulais voter De Villiers puisque c’était le seul à être parvenu à me faire me rouler par terre ; je me suis aperçu un peu plus tard, c'est-à-dire devant le bureau de vote, que je n’avais jamais eu de carte électorale.
Cela m’avait ennuyé.
Onze heures quatorze. Je fume une clope à poil en prenant l’air enchaîné par les gens à la fenêtre. Une grand-mère me fixe curieusement, je pense à Jonathan Edwards et à ses dix-sept mètres quatre-vingts quatre aux Jo d’Atlanta. Il faut que je sorte sinon je vais crever de faim entre les fûts de nettoyants pour carrelage mais avant, je dois éjaculer dans mon caleçon en me frottant à l’oreiller : j’ai toujours bien aimé ça. Il y a une femme dans ma maison et c’est la mienne, enfin je pourrais le croire. Je pense que ce serait mal vu, je m’abstiens.
« Tu fous quoi, là ?
- Je rumine ma diplomatie afin de trouver la preuve irréfutable de son inutilité. J’y arrive sans forcer.
- Viens près de moi, on est dimanche.
- C’est le jour des gens. Tu veux pas aller chercher à bouffer, je crois que je vais ronger les plinthes.
- Bouge ton cul, fais pas ton numéro. »
Il faut être un héros ou un non-vivant pour faire ce que je fais.
‘Green Haddock’, bar miteux. Deux vieilles femmes attablées devant des pintes. Un ex-Hell’s Angel et quelques poivrots déjà sur orbite. Je marche sur du velours un peu rêche.
« Irish Coffee.
- Vous êtes français, vous, hein… ? J’ai habité en France, moi, vous savez. Quinze ans, avec ma femme. A côté de Strasbourg. C’était une période difficile de ma vie mais j’ai tenu le coup. Ma femme, elle, elle aimait bien cette vie. Enfin, bon… C’est comme ça, hein ! On va pas refaire l’histoire.
- J’ai tué au moins cinq communistes cette nuit. Cinq, ça j’en suis sûr. Deux blessés grave. Au moins. C’est un bilan positif, non ?
- Ici ? A Mons ??
- Me souviens pas vraiment.
- Vous allez au-devant de gros ennuis, vous…
- En effet. »
Je dédicace ce non-texte à Nicole Garcia pour son non-film « Selon Charlie ».