A qui la faute ?
― Que fais-tu là ?
― Je vais au cinéma, dit Xavier d'un air étonné.
― Tu devais m'appeler ce week-end, dit Yannick.
― Ce week-end ? demanda Xavier.
― Je t'ai laissé un message, tu devais me rappeler.
― Avec quoi ? dit Xavier. Je n'ai plus de forfait.
― Tu devais m'appeler ce week-end, répéta Yannick.
Xavier eut l'air de réfléchir. Il savait qu'il serait bientôt dans la salle obscure, où Vincent l'attendait, pour découvrir le dernier film de Tarentulo.
― Et toi, que fais-tu là ? demanda-t-il. Tu viens au cinéma ?
― Pourquoi ne m'as-tu pas appelé ce week-end, continua l'autre.
Xavier ricana :
― Mais je ne pouvais pas t'appeler, dit-il. Et puis, le week-end est passé, alors cela n'a plus aucune importance.
― Si, dit l'autre. J'ai attendu que tu m'appelles et tu ne m'as pas appelé. Comment veux-tu que je devine que tu ne peux pas m'appeler si tu ne me préviens pas ?
― En réfléchissant… osa Xavier.
― Non, dit Yannick. Figure-toi la situation. Je suis chez moi, dans ma chambre, allongé sur mon lit ; et j'attends en silence que le téléphone sonne. Or, il ne sonne pas. Alors que faire ? Il n'y a rien à faire. J'attends en silence. Un ange passe. Une partie de l'après-midi avec. Je regarde par la fenêtre. Le ciel est bleu. Le soleil se cache derrière la mousse nuageuse. Je pense que j'aurais pu aller me promener. Je m'allonge sur mon lit. Je m'y enfonce. Un autre ange traverse ma chambre. Je m'assoupis. Mais il explose ! Je sursaute et me lève. Le silence agresse mes tympans. J'ai une otalgie. Je suis sourd. Tu ne m'as pas appelé. J'ai attendu tout le week-end et tu n'as pas appelé.
― Ecoute, Yannick, avant que je ne file. Ce soir je serais chez Vincent. Tu n'as qu'à passer si tu veux, sinon je t'appellerai demain.
Yannick s'interposa pour empêcher Xavier de s'en aller.
― On se voit chez Vincent, dit-il.
Il tenait Xavier par les bras.
― Pourquoi me fais-tu ça ? demanda-t-il. Je n'ai pourtant rien fait qui le mérite.
― Lâche-moi tout de suite, dit Xavier en regardant l'heure à son poignet gauche.
― Tu aurais dû m'appeler…
― Yannick, lâche-moi.
― Si tu m'avais appelé, continua Yannick, nous n'en serions pas là…
La joue droite de Yannick s'écrasa au sol accompagnée du reste de son corps. Un étage humain en dessous de Xavier, Yannick souriait. Son sang rigolait de ses lèvres jusqu'au sol pétré. Ses yeux brillaient. Il prenait son pied. En fait, c'était ce qu'il attendait. Il le prenait dans les côtes, par intermittence, c'était ce qu'il attendait.