Vous admettez le caractère ridiculement abject de votre impatience à présent ?
Puisque nous sommes parvenus.
Puisque vous êtes toujours du voyage.
Vous soufflez.
Ne soufflez pas.
Car il est indécent de souffler de la sorte.
Oui, indécent...
Vous rendez-vous compte que nous abordons à présent le domaine large et fluctuant de la phrase creuse ?
Vous n'en tenez pas compte...?
Vous ne comptez pas, je suis au regret de vous infliger...
La sanction...
Elles sont la sanction...
Nous venons à elles mais elles sont la résultante, proportionnée à la lassitude, à l'essence même du drame humain.
Les phrases creuses...
Mes phrases creuses…
Elles ne diffèrent pas dans la forme : elles sont phrases, mais elles nous offrent la délivrance par le contexte et nous permettent de révéler ce qui est furtif et bondissant en nous.
Regardez les…
Et cette tendre vacuité, quelle lumière…
L’instant de stase qu’elles provoquent est si fulgurant…
Vous verrez…
Car nous y sommes.
Quel est, selon vous, le meilleur moyen de couper court à une diatribe harassante ?
De se défaire avec satisfaction et de manière sublime d’un être à moitié dément qui accapare l’espace et la pensée ?
Vous voyez désormais.
La phrase creuse est indubitablement la réponse donnée à l’homme telle une offrande afin qu’il contienne un sentiment vil, tapi maladivement au coeur du panel de ses émotions : la crispation.
Mieux encore, afin qu’il puisse l’éradiquer.
Temporairement …
Oui…
Oui, vous saisissez.
N’est-ce pas ?
Vous ne connaîtrez le répit qu’à la condition d’en percevoir tous les rouages, elle sera pour vous un soutien, une épaule éphémère sur laquelle il est temps que vous puissiez vous reposer.
Effectivement…
Vous souhaitez balayer les brumes du questionnement d’un revers de main mais ne soyez pas brusque.
Regardez : elles s’évaporent.
La phrase creuse détient en son sein de nombreux points forts : efficacité, rapidité d’exécution ainsi qu’un rapport effort/résultat suffisamment élevé pour vous permettre de l’utiliser de façon régulière.
Sa capacité d’adaptabilité est double : elle se pratique en milieu urbain comme rural, en espace clos ainsi qu’en extérieur et sous toutes les latitudes, ce qui vous confèrera l’avantage du terrain quelle que soit la situation dans laquelle vous vous trouvez engagé.
La temporalité - à l’instar du concept de lieu - ne peut, par définition, avoir de prise sur l’arme redoutable qu’elle représente.
En effet, de jour comme de nuit ainsi qu’à chaque moment de l’année, sa faculté de perforation reste intacte.
Vous en êtes ébahi, n’est-ce pas ?
Eh bien, soyez-le.
Car les mots sont les ultimes dépositaires d’une telle flexibilité.
Vous ne trouverez en ce monde aucune arme aussi souple, compacte, adaptable et efficace qu’eux si vous êtes en situation périlleuse.
D’autant plus que la conjoncture ne vous apporte pas une contribution de bon augure dans ce combat perpétuel, l’abrutissement de masse faisant de considérables dégâts au moyen de technologies de plus en plus sophistiquées, comme vous avez pu le constater.
Les champs d’action en ce domaine ne connaissent aucunes limites et sont constamment renouvelés.
Ce constat est annonciateur de douleur.
Préparez vous.
Ayez l’atout qui brise les plus puissantes cartes…
Cela vous inspire ?
Vous m’en voyez ravi.
Non, jeune homme, n’exultez pas.
Il n’y a pas lieu d’exulter pour le moment.
La suite de notre périple vous en donnera l’occasion.
N’ayez crainte…
Les grandes illuminations provoquées par le mot pourvoiront largement à votre contentement, vous pouvez le croire.
En faire votre plus haute certitude.
Et la diffuser.
Dans la mesure de vos possibilités.
De votre interprétation.
Et de votre tolérance à la souffrance…
La souffrance du manque.
La souffrance du mot.
Mais nous devons, quant à nous, persévérer dans la profondeur sémantique de la phrase creuse, cette étoile latente…
Malgré toutes ses apparentes facilités, elle vous engage à la prudence : il serait fâcheux de voir votre brillante victoire sur la crétinerie et la brutalité – sa jumelle – se métamorphoser en un échec cuisant, riche d’enseignements certes, mais néanmoins relativement frustrant.
Il est donc primordial que vous fassiez preuve de discernement, sans quoi vous pourriez sans aucunes difficultés reprendre vos esprits dans un hôpital psychiatrique de renom.
Et cela ne fait pas partie de vos objectifs.
N’est-ce pas ?
Nous sommes d’accord de concert, parfait.
Vous conviendrez avec moi que certains profils sont à exclure : l’intellectuel standard et rationnel – il cherchera à comprendre -, le teigneux dépressif – il partagera votre idée -, l’armoire à glace – dangereuse pour la santé - , les psychologues et assimilés – vous deviendrez leur proie -, tous représentent des périls potentiels.
Sachez les éviter.
A tout prix.
Observez à présent l’individu lambda, - au mode de réflexion conventionnel, s’entend – sans signes extérieurs de finesse particulière : il est sans conteste l’interlocuteur idéal.
Cependant, restez sur vos gardes.
Vous rencontrerez probablement des individus particulièrement perspicaces qui ont acquis une certaine capacité au camouflage en la matière et ils essayeront de vous déstabiliser.
Vous devrez alors faire appel à vos plus profondes ressources si vous désirez échapper à ce piège des plus vils.
Toutefois, rassurez vous : ces personnes sont loin de former une part importante de votre environnement direct et elles sont aisément reconnaissables, car souvent dissidentes de la masse globale.
C’est ainsi.
Humm..
Oui.
Oui, une dernière chose.
Il vous faudra en toutes occasions jauger le seuil de tolérance de l’être pensant avec qui vous conversez.
Il est variable et peut entraîner des conséquences désastreuses s’il est mal estimé.
Cela vous demandera patience et expérience mais souvenez vous que l’erreur de jugement est commune.
Vous pourrez être victime du découragement.
Tentez de vous en défaire.
Inlassablement.
Oui, inlassablement…
Notre excursion sur les terres de la phrase creuse va toucher à sa fin mais nous devons tout d’abord passer à la démonstration, sans laquelle une théorie en reste une.
Vous êtes donc empêtré dans les mailles d’une situation périlleuse et un ou plusieurs individus nuisent à votre bien-être.
Démontrez alors tout votre potentiel.
Une phrase creuse d’une inutilité flagrante fera l’affaire pour une première prise de contact.
Ce qui aura pour effet de faire choir votre adversaire dans les méandres opaques de la stupéfaction.
Agissez vélocement.
Afin de ne pas lui laisser l’opportunité de répliquer.
Ainsi, vous réduirez le risque d’échec en approche finale.
Si nécessaire, et si l’individu reste coi, ajoutez d’un air naturel une seconde phrase creuse d’une niaiserie encore jamais exploitée, ce qui mettra ce sinistre personnage en fuite ou pour le moins en dehors de votre espace vital.
Il partira en maugréant et en maudissant l’étendue de votre démence et vous gratifiera peut-être également de multiples noms d’oiseaux aux sonorités les plus diverses.
Ne réagissez pas.
Regardez le s’éloigner, dépité.
Il se noie dans l’ignorance la plus crasse.
Vous venez d’accomplir un geste noble, qui relève de l’ultime.
Savourez ce moment…
Il sera bref.
Vous êtes grand, jeune homme.
Accueil 
Galerie 
