" Dites moi, combien y-a-t'il de facettes en verre sur la pyramide du Louvre ? "
Humm...
Très bon ça.
Oui, je crois bien que je vais la rajouter...
Alors...
Oh, vous êtes là ?!
Veuillez m'excuser, j'étais en train d'enrichir ma collection.
On peut en trouver dans toutes les circonstances et à tout moment, vous savez...
J'ai tellement besoin d'elles que leurs seules existences suffisent à calmer mes plus noires pensées.
Elles sont belles, n'est-ce pas ?...
Vous avez vu leurs prestances, leurs magnificences ?
Sans elles, je ne suis plus un homme : je suis un néant, translucide et seulement animé par quelques soubresauts convulsifs de vie...
Un néant...
Un moineau, si vous préférez.
Oui...
Aussi nu et tremblant qu'un moineau sur un câble électrique.
Grelottant...
Grelottant sous les rafales de vent qui viennent congeler mes os, mes petits os de moineau, bien sûr...
En plein mois de Janvier ?
Très bien...
Si vous voulez...
Sur un câble électrique en plein mois de Janvier.
Ca vous convient ?
Bien.
Vous savez...
Vous savez, énormément de choses et de méthodes sont cachées sous les plumes multicolores de nos vies d'opérette.
Nous allons, vous et moi, en explorer une infime partie.
Eh bien, parce que vous m'êtes sympathique.
Vous voulez une raison plus pertinente ?...
Parce que vous êtes là.
Cela devrait vous suffire.
Ne nous dispersons pas.
Humm...
Oui...
Oui, une partie infime mais qui mériterait d'être bien mieux considérée...
Oui, évidemment.
Comme vous dites : cette infime partie a été négligée...
C'est vrai.
Mais qu'en savez-vous ?
De quoi parlez vous ?
Vous voyez, vous êtes pour le moins aussi dérangé que moi...
C'est facile, n'est-ce pas ?...
N'ayez crainte.
Vous vous y habituerez, comme moi...
Vous disiez que cette partie avait été négligée ?...
Par nous, oui...
C'est nous qui l'avons négligée.
L'infime partie que représentent les mots a été piétinée mais nous allons la relever.
La chérir...
La consoler, la contenter et lui offrir l'espace et le contexte pour qu'elle puisse enfin développer librement son potentiel, pour s'ouvrir...
A tout...
A nous...
A vous aussi, oui...
Sans liens.
Sans silences grotesques.
Sans rien qui puisse entraver le déploiement total de sa sainte subtilité.
Sans qu'elle ait à se contorsionner, à se débattre dans le carcan asphyxiant de la logique et du sens.
Voilà la destination de notre voyage.
Vous me croyiez dérangé ?...
Attendez, laissez moi vous parler d'elles à présent et je me fais fort de vous démontrer de façon patente que vous êtes encore bien loin du compte...
Vous verrez comme elles sont douces...
Vous verrez...
D'ailleurs, maintenant que j'y pense...
Vous n'avez pas vu ...?
Ah, voilà...
Je ne vous les ai pas encore montrées.
C'est pour ça que vous faisiez cette tête ...?
Regardez, elles sont toutes là.
J'en prends soin, je les utilise au gré des situations...
Au gré...
Au gré des vents, bien sûr.
Oui, oui...
Vous allez pouvoir vous délecter de leurs rondeurs alléchantes...
Ne me bousculez pas.
Là où nous allons, vous verrez que le temps n'a aucune prise.
Le temps n'est qu'un gamin vicieux, il joue à la balle avec des gens, des gens comme vous et moi, il n'est...
Oh, vous êtes persécutant quand vous voulez, vous savez ?
On vous l'a dit, n'est ce pas ?
Ne me bousculez pas, jeune homme.
J'ai mes petites habitudes, moi, vous savez...
Oui, ça y est.
Les voilà.
Mes phrases creuses...
Ne vous laissez pas aveugler par leurs grandeurs.
Allons-y à présent.
Ne nous mettons pas en retard...
Vous apprendrez que le mot n'attend pas.
Il s'agite.
Et frémit.