UNE GIFLE OU PAS
Un couple dans un lit, fraîchement libéré de toute tension.
Un instituteur et une comédienne.
Le matin
-Ca va ?
-ouais ouais.
-T’es sure ?
-Ben ouais pourquoi ?
-Non comme ça… t’as l’air ailleurs.
-Non ça va. Et toi ?
-Oh moi, je suis sur un petit nuage. Mais, j’ai un petit creux. Attends, bouge pas ma chérie, je vais préparer le petit-déj. Tu veux des tartines avec ton café ?
-Oui, je veux bien.
(il part à la cuisine. Elle commence à s’habiller. Il revient avec un plateau)
-Il n’y avait plus que de la confiture de menthe.
-Celle de ta mère ?
-Ben évidemment.
-Non merci, finalement j’ai pas très faim.
-Tu veux pas un peu de fromage.
-De quoi ?
-Ben j’ai trouvé un bout de fromage….
-Non, ça va aller. Mais prends en si tu veux.
-Oh ben ouais, moi je crève la dalle.
-Putain, y en a pas deux comme toi.
-C’est pour ça que tu m’aimes.
-…
-T’es sure que tu veux pas un peu de fromage ?
-Non mais arrête ! tu sais quelle heure il est ?
-Il est bientôt l’heure de remettre ça non… ?
-Je crois pas non.
-C’était une petite blague.
-Y en a marre de tes blagues.
-T’es grognon toi, ce matin.
-Arrête.
-Ben qu’est-ce que j’ai fait ?
-T’as rien fait… Ou t’en fais trop, je sais pas.
-Bon, c’est quoi le problème ?
-Je sais pas…Ca va pas, y a quelque chose qui va pas là.
-J’ai fait quelque chose ?
-J’en ai marre de ces matinées qui se répètent. Et puis tu me dégoutes avec ton fromage.
-… Si tu veux, j’arrête d’en manger.
-Mais non, vas y, remplis bien ta gueule de fromage, j’en ai rien à foutre.
-Attends, qu’est-ce qui se passe ? Je comprends plus là.
-Ben ouais tu comprends jamais rien.
-Dis pas de conneries.
-C’est sérieux.
-Tu viens de dire que je comprenais jamais rien et excuse moi mais ça c’est une connerie.
-Ecoute t’es surement la personne qui me connais le mieux, mais ce qui m’enerve c’est que tu fasses semblant de pas voir qu’il y a un truc qui va pas depuis quelques temps.
-Alors explique moi ce qui s’est passé. Explique ce qui se passe.
-Ca fait un moment que je voulais t’en parler..
-Alors pourquoi t’as jamais rien dit ?
-Parce que je t’aime. Et parce que tu comprendrais pas vraiment…
-Non, t’as raison. Je comprends pas vraiment. T’es en train de partir sur des sujets un peu à risque et puis en même temps tu me dis que tu m’aimes…
-Je rentrerais pas à la maison ce soir, c’est ça que je voulais te dire.
-Mais… t’iras où ?
-Je sais pas mais partout sauf chez toi.
-Tu veux me quitter ?
-Oui.
-Mais tu peux pas me quitter !
-Pourquoi ?
-Parce que tu m’aimes. tu viens de le dire. On ne quitte pas quelqu’un qu’on aime, ça n’a pas de sens.
-Je t’aime par habitude mais aujourd’hui, tu ne me fais plus rien.
-Tu veux dire que là, quand tu me regardes dans les yeux, tu ne ressens rien ?
-Je ressens l’angoisse de te dire adieu.
-Alors va-t-en..
-Tu ne me retiens pas…
-Dégage…
-Merci.
-Dégage !
-Je savais que ça serait facile.. Tout a toujours été facile avec toi.
-Alors pourquoi tu es toujours là ?
-Parce qu’au bout de trois ans, on s’attache…
-Je veux plus jamais te revoir !
(elle lui donne une gifle)
-Je regrettrais rien. T’es un chic type.
-Va bien te faire enculer !
-Tu ne m’as jamais aimé ?
-De quoi tu parles ?
-Je te parle d’amour… comme on dit …
-A d’autres.
-Tu sais, ce qui m’a plu chez toi, c’est ta connerie…
-Et moi c’est ton cul, et puis quand tu dormais aussi.
-C’est la fierté qui parle. Je t’en veux pas, c’est physiologique. Quand tu te retrouveras seul, tu me regretteras…
(il la fout dehors et lui jette ses vêtements)
-J’espère que toi tu me regretteras pas.
-Pourquoi tu mens ?
-Rhabille toi, les voisins pourraient te voir…
-Tu gagneras pas avec ces phrases toutes faites… c’est moi qui te quittes, n’oublies jamais ça.
-Alors pour toi, c’est qu’une question de gagner ? Et ben, change jamais d’avis, parce que c’est pris pour argent comptant.
-T’es vraiment un con
-Et toi une conne ! Mais tu regretteras, tu verras, tu retrouveras pas de mec comme moi !
-J’espère bien.
-Je veux même pas le savoir.
-Adieu Daniel. Je sais que de toute façon tu n’es pas sincère.
-Alors déteste moi, et que je ne te revois plus.
-Je t’aime, un million de fois plus qu’avant.
-Dégages, meurt, que je ne te revois plus, casses toi.
-Je suis surprise.
-Et tu t’attendais à quoi ?
-A un peu de mystère.
-Tu ne me comprendras jamais. C’est pas grave, je me ferais une raison. Je n’ai pas besoin de toi.
-Alors tous ces mots, qu’est ce que ça voulait dire ?
-Ca veut dire que tu m’as saoulé. Je t’aime peut-être mais ça me passeras vite. Un jour, dans pas longtemps, en allant au travail ou en buvant du vin, par inadvertance, et je tomberai amoureux d’une autre ; et je t’oublierai. C’est comme ça que ça se passe, ma petite, tu verras, et à ce moment là tu seras bien déçue, ça te feras bien chier. Tu te diras : merde, comment ça se fait qu’il puisse passer à autre chose ? Comment il peut se remettre de moi ?
-Y a pas de hasard. Il fallait surement que tu me rencontres pour trouver la femme de ta vie, c’est Breton qui dit ça dans Nadja.
-T’as cru qu’on était dans un roman ? Avec toi, j’ai rien vécu que j’ai lu dans Nadja, mais ce n’est pas le problème, pour l’instant la femme de ma vie c’est toi, maintenant c’est toi qui me fait vibrer, il y a moins de vingt minutes, dans mon lit et maintenant dans cette cage d’escalier mais quelqu’un d’autre prendra ta place même si je ne me le figure pas tout de suite. C’est obligé…
-Il y a des mots que je ne veux pas dire. Au revoir Daniel.
-C’est ça, salut !
-A la prochaine !
-Je te mettrais bien une bonne claque dans la gueule.
-T’as toujours été gentleman.
-C’est pour ça que je vais rester cool.
-C’est ça, il vaut mieux je pense.