Ecriture et positionnement néo-réaliste
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Le réalisme est l'arme absolue anti-rampante
 
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 Bref et définitif / Phase dix-septième

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omega-17
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MessageSujet: Bref et définitif / Phase dix-septième   Bref et définitif / Phase dix-septième EmptyMer 4 Avr - 15:50

Sur une plage nue, brumeuse et tendue, je marchais.
La pluie était fine, drue mais non glacée malgré une température légèrement positive. Le ciel était lourdement chargé d’immenses nuages aux tonalités de gris funéraires et augurait d’une ascendance des jours mauvais pour la morne période automnale à venir. Les considérations climatiques, c’est vrai, sont porteuses et simultanément symptomatiques d’un ennui mortel et d’une viscérale décomposition ; voilà pourquoi, je suppose, j’y pensais alors afin d’exacerber, puisque tout était perdu ou du moins inexistant, la nature insupportable de mon état, ce qui m’apparaissait comme l’ultime bravade d’un homme acculé dont le nihilisme était devenu la réponse à toute question.
Pour une station balnéaire bretonne, c’était presque l’été indien mais aucun des malheureux habitants doté, dans la moindre des mesures, de raison n’avait l’air de vouloir en profiter, personne d’ailleurs n’osait se montrer mis à part une forme mouvante en ciré jaune que j’apercevais un peu plus loin, dans la zone humide du reflux des vagues exsangues. Le désir - et peut-être avait-il entamé, également une après-midi de Septembre, son déclin en cet endroit - avait disparu, là aussi.
Ce pêcheur ( enfin ) de couteaux et autres crustacés des sables grattait, de son râteau aux dents recourbées, la surface boueuse à la recherche de signes de vie, très concentré et prenant apparemment cette activité avec sérieux, ce qui me plongea dans une désolation brutale et une bouffée de désespoir fébrile m’envahit, achevant de dissoudre en moi la possibilité d’une alternative à laquelle je ne croyais déjà plus. Au moment où je le dépassai, il renifla bruyamment en jetant un œil agacé dans ma direction ; quand je fus éloigné de quelques mètres, il reprit son occupation, redoublant d’efforts.
La vie était donc aussi triste que cela ; l’apogée de mon apathie étant intimement liée au fait désastreux que j’en avais pleinement conscience.
Je restais un moment sur la jetée, essayant de distinguer un avenir quelconque dans l’horizon flouté par la bruine. Il n’y avait pas plus ici qu’ailleurs le moindre espoir de devenir autre chose que ce que j’étais et je compris à cet instant que rien ne pourrait plus s’opposer à ma décision. Un lampadaire absurde et irréel se tenait là, en toute fin de l’allée, spectateur muet des introspectives et vaines contemplations que devaient produire les quelques inadaptés de mon type en arrivant à sa proximité.
Le peu d’argent qu’il me restait servit à la réservation d’une place de train pour le surlendemain et à l’obtention d’une chambre pour la nuit, argent que je fus surpris de dépenser de manière logique tant mon rapport à lui s’était montré conflictuel par le passé. Confronté à sa vacuité, je n’avais pas eu d’autre reflexe que celui de le dilapider comme je l’avais fait de mes jours et de mes années, comme si j’avais ressenti dès le départ et sans le savoir profondément que la valeur de toute chose était exclusivement inhérente à sa propre capacité à lui en donner une, aptitude qui m’était selon toute vraisemblance totalement étrangère.
La gérante de l’hôtel m’observa d’un air suspicieux, mon allure générale tendant vers celle d’un mollusque flasque et mon regard exprimant seulement l’éreintement et l’abandon devaient y être pour beaucoup.
Je ne pus m’empêcher de repenser à Arturo Bandini - le double de Fante m’avait intimement marqué par la remarquable sincérité et la névrose éthérée qu’il affichait - arrivant pour la première fois à Los Angeles et faisant face à la propriétaire d’un hôtel ‘monté à l’envers’ qui persistait à lui faire admettre qu’il venait de l’Arkansas alors que ce n’était pas le cas ; un état louable car elle y était passée avec son mari il y a vingt-cinq ans de cela et qu’il fallait bien savoir à propos de la clientèle de son établissement miteux ‘qu’on a que des gens honnêtes ici’. J’avais intérieurement beaucoup ri, à l’époque, en lisant ces lignes qui témoignaient si clairement de la stupidité sans bornes du genre humain.
La vieille femme m’octroya tout de même une chambre et je pris la clef avant de monter, las au point d’en être étourdi, à l’étage où j’étais censé trouver la porte correspondante. Une fois refermée sur ce qui allait être mon univers pour trente-six heures, je sortis la bouteille de whisky, l’ordinateur et me déshabillai pour m’étendre un moment. Inévitablement, je me mis à penser à Stéphanie, son rire pouffé, ses yeux lubriques, son instinct ouvert à la brutalité du contact, sa résignation et son apparent fatalisme dans les derniers instants qui nous avaient unis, encore et finalement. Je bus une grosse gorgée à la bouteille avant de m’allumer une cigarette, dans moins de deux jours tout irait mieux. Ca n’irait pas. Aller n’existait pas.
Je devais revenir à la source, excommunier la vie et considérer l’anathème comme un don des dieux car nul autre endroit en ce monde n’était assez sordide pour accueillir ma sublimation. Dépouillé des rôles de candeur à l’interprétation manifeste que j’aurais pu tenir par intermittence, détaché en ces ultimes remaniements des spasmes de provocation de compassion et de béatitude, égoïstement affligé par ma peine et détruit par le non-sens qui avait jonché mon parcours jusqu’à se déployer immensément à chacun de mes pas, il ne me restait plus qu’à finaliser le tout de manière violente et hautement cruelle afin que l’ensemble aboutisse uniment à l’entérinement de son état : l’erreur. Cette conscience n’était pas le fruit d’un cumul ; de fait, une souffrance nouvelle et désengagée de ses sœurs m’était apparue, j’allais décéder de mon propre chef, mon moi en subissait les affres, sa désincarnation lui était tragique autant que l’issue, peu à peu, renforçait son aspect réel. ‘L’Homme est au centre de l’Univers’ avait prétentieusement mais si véridiquement affirmé Pic de la Mirandole ; du sien en effet et j’étais en train d’en perforer le noyau interne, l’Univers de l’Homme était creux, ce n’était pas vraiment une surprise.
Le Chivas n’affichait plus qu’un demi-niveau. Je dormis, peu et mal, d’un sommeil de condamné.
J’étais faible mais pas famélique, j’avais arrêté de me sustenter depuis maintenant trois jours, peut-être quatre, l’utilité de ce geste m’échappait d’autant plus que je n’en ressentais pas le besoin. Méditer ne m’apportait pas plus de soulagement, mes pensées viscérales tendues vers le même but. L’horreur appelait à son annihilation, j’allais y participer, il n’y avait rien à extirper de plus.
Mon agonie naissante avait emplie chacune de mes cellules et l’espace d’un pâle soulagement me poussa à allumer l’ordinateur pour y coucher quelques pensées :

« J’ai le souvenir d’une fraction du temps. De mon temps. Quand mes pensées allaient encore aux gens qui se rendent compte à la fin de leur vie qu’ils sont passés à côté de l’essentiel. De leur propre essentiel. A ces gens qui n’ont plus en eux que la détresse pour les accompagner dans les derniers instants d’une existence qu’ils pensent avoir gâchée ou pour le mieux négligée. Mon empathie violente à leur égard me solidarisait à ces gens-là. Me soudait à leur peine et je ne pouvais que leur dire à quel point je la partageais. Mais ce n’est plus le cas. Ce mal destructeur au pouvoir sans limites était si présent en moi, si maladif, qu’il a recouvert toutes mes pensées du voile obscur de la torpeur et de la déraison. A terme, ma vision de toute vie s’en est trouvée liquéfiée. Et refondue en une forme de démence vengeresse. Dans le sein flasque de l’immensité du gouffre universel, aucune entité pensante ne devait y réchapper. Il ne pouvait en être autrement. La douleur du temps qui égraine les jours allait m’insuffler le fluide amer de la haine de l’Autre, ce vil alter ego. Mon repli convulsif sur moi-même m’a fait croire qu’une telle souffrance ne pouvait être le fardeau d’un seul individu. Et ma foi en l’existence d’un concept sublime de l’Homme et du Sentiment s’est éteinte, irrémédiablement. Mes idées d’union, de joie et de délivrance ont subi la brûlure insidieuse du mépris total et ont été consumées par ce Mal qui est aujourd’hui le mien. Animé par la rage d’un désespoir insoutenable et aveuglé par l’affliction, je me suis fait le porteur de cette flamme, incendiant ce qui aurait pu me libérer des tenailles chauffées à blanc de ma terreur. Ayant posé un genou à terre devant une puissance qui ne pouvait que me surpasser, inoculer le poison à ceux qui avaient pu le contenir ou le dissoudre est devenu mon unique satisfaction. Je porte au doigt l’obsidienne de mon maître, pour preuve de mon allégeance .Mon esprit est guidé par l’œil d’onyx de ce bourreau, imperturbablement braqué sur mes pas. Il n’y a pas d’issue. Mes pieds resteront à jamais souillés du sang sombre de mon errance. Ainsi, j’ai perdu l’eau vive qui s’écoulait en moi et un torrent de fiel boueux le remplace à présent. Ainsi, je me suis perdu. Noyé par le vide et par ce Mal. De vivre. »

C’était tellement mauvais que j’en pleurais.

Via Rennes et Paris, je gagnerais ( même si, en y songeant, cette formule me parut très peu appropriée ) Bruxelles et enfin Mons. Là où tout se jouerait, c'est-à-dire à l’endroit même où j’allais poser mon jeu pour quitter la table. Décidément, cette partie ne valait pas la queue d’une chandelle et il n’y avait aucun prétexte valable pour s’y épuiser davantage, je laissais à d’autres le soin de s’agiter dans le vent tourbillonnant.
Un temps très intense de ma vie avait pris fin, j’en prenais acte. La possibilité d’une renaissance de ce genre était nulle, rien n’était plus certain à présent et il n’y avait d’autre choix sage que celui de mettre un terme à ce qui avait pu l’engendrer, effacer toute trace d’un passage par trop déséquilibré, extrême et dorénavant, je ne pouvais que l’approuver et m’en féliciter, furtif.

Le retour au calme constituait désormais ma seule volonté.
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